Un aliment écoresponsable pour réduire l'impact environnemental des truites d'élevage

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Réduire l’impact environnemental des truites d’élevage grâce à un aliment écoresponsable

Posté le 7 octobre 2022
par Nicolas LOUIS
dans Matériaux

Des chercheurs de l'Inrae ont élaboré un écoaliment destiné à l'aquaculture, à l'aide d'une formulation multiobjectif visant un compromis entre son moindre coût et son moindre impact environnemental. Testé sur des truites d'élevage, de bonnes performances en termes de croissance ont été observées.

Les poissons d’élevage et en particulier les espèces carnivores telles que les salmonidés (saumon, truite…) sont nourris avec des aliments qui contiennent de grandes quantités de farine et d’huile de poisson. Ces matières premières couvrent parfaitement leurs besoins, mais présentent l’inconvénient d’être pêchées dans le milieu naturel, et impactent donc les ressources halieutiques. Sous l’effet du développement de l’aquaculture, ces matières font par ailleurs l’objet d’une demande accrue de la part des fabricants d’aliments, alors que la production de farine et d’huile de poisson stagne, car elles sont issues d’espèces soumises à des quotas de pêche. À travers un projet nommé Ecoae, l’Inrae a testé un nouvel aliment écoresponsable sur des truites d’élevage.

« À la genèse de ce projet, il y a aussi le fait que 65 et 90 % de l’impact environnemental du kilogramme d’animal d’élevage, de type monogastrique dont font partie les poissons, et produit sur une ferme provient de l’alimentation, complète Aurélie Wilfart, ingénieure de recherche à l’Inrae et coordinatrice du projet Ecoae. Ce domaine constitue donc un levier important pour réduire son empreinte écologique ».

Pour mener à bien ce travail de recherche, les scientifiques ont repris les résultats d’un précédent projet baptisé Ecoalim. Celui-ci a consisté à développer une base de données dans laquelle l’impact environnemental de chaque matière première utilisée en nutrition animale a été déterminé. Cet impact a été évalué de manière détaillée grâce à une analyse du cycle de vie (ACV), selon huit catégories différentes, à savoir : le changement climatique, la consommation d’énergie non renouvelable, l’acidification des milieux, l’eutrophisation de l’eau, l’occupation des sols, la consommation de phosphore, la demande en ressources biologiques naturelles et la demande en eau.

Les quantités de farine et d’huile de poisson divisées par deux

Dans ce précédent projet, une nouvelle méthode de formulation des aliments a été construite, comme l’explique Sandrine Skiba, directrice de recherche à l’Inrae : « Classiquement, on formule à moindre coût, c’est-à-dire qu’on essaie de couvrir les besoins des animaux tout en ayant comme objectif un coût des aliments le plus faible possible, car celui-ci représente entre 60 et 80 % du coût de production. À l’aide du développement d’un algorithme mathématique, une formulation multiobjectif a été mise au point, qui vise à un compromis entre moindre coût et moindre impact environnemental. »

Un nouvel aliment écoresponsable à destination des truites a ainsi été conçu. Ses apports nutritionnels sont identiques à ceux d’un aliment commercial ; il comprend notamment 47 % de protéines et 23,7 % de lipides. Pour réduire son impact sur l’environnement, l’algorithme a, entre autres, divisé par deux les quantités de farine et d’huile de poisson contenues dans cet aliment éco-formulé. Pour compenser cette perte, des coproduits issus de l’abattage d’animaux monogastriques ont été introduits tels que des farines de plume ainsi que des farines de sang. Et pour compléter les sources de protéines, des levures de bière ont aussi été ajoutées. Au total, parmi plus d’une centaine de matières premières disponibles, l’algorithme en a sélectionné 23 pour fabriquer cet aliment éco-formulé, alors que l’aliment commercial n’en contient que 16.

Dans le cadre du projet Ecoae, ce nouvel aliment a été testé sur des truites arc-en-ciel. Le choix de cette espèce n’est pas anodin, car elle est particulièrement sensible aux changements de la composition de ses aliments. Un essai a été mené sur des truites dont le poids initial est d’environ 50 grammes. Elles ont été nourries pendant 12 semaines pour atteindre un poids final d’environ 200 grammes. « On a comparé la croissance entre les truites nourries avec cet écoaliment et d’autres nourries avec l’aliment commercial, et nous avons constaté de très faibles écarts de croissance, révèle Sandrine Skiba. Et statistiquement, il n’y a aucune différence. »

Une meilleure préservation des ressources halieutiques

Sur le plan environnemental, les chercheurs ont constaté une baisse, en moyenne, de 25 % de cet impact, ramené au kg de truite produit. Sur les huit catégories d’impact prises en compte dans l’analyse du cycle de vie, sept ont été réduites ; seule l’eutrophisation de l’eau ne l’est pas. « Par exemple, on observe une diminution de 44 % des prélèvements en ressources naturelles et de 40 % de la consommation en eau », ajoute Aurélie Wilfart. Sur le plan du changement climatique, cet écoaliment se révèle plus vertueux. Cela s’explique, entre autres, par le fait qu’il ne contient plus de soja, une matière première importée du Brésil et qui contribue à la déforestation dans ce pays. Sur le plan économique, les scientifiques ont eu la bonne surprise de découvrir que cet aliment écoresponsable coûte 8 % moins cher que l’aliment commercial.

« Dans le cadre du projet Ecoae, une démarche équivalente a été réalisée en production porcine, précise Florence Garcia-Launay, ingénieure de recherche à l’Inrae. Un écoaliment a été fabriqué grâce à la méthode de formulation multiobjectif, et a ensuite été testé sur des porcs. Comme pour la truite, nous avons constaté des performances zootechniques identiques entre les animaux nourris avec cet aliment écoresponsable et les autres nourris avec l’aliment commercial. »

Les chercheurs souhaitent à présent poursuivre ce travail de recherche et mener des essais de plus grande envergure, en condition réelle, en partenariat avec la filière aquacole. « C’est un mode de formulation que l’on peut potentiellement élargir à l’ensemble des productions animales, les enjeux en termes environnementaux sont donc très importants », conclut Florence Garcia-Launay.


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