Décryptage

Répondre au défi de la pointe électrique

Posté le 26 décembre 2012
par Matthieu Combe
dans Énergie

Un décret visant à réduire la pointe électrique a été publié  au Journal Officiel le 18 décembre 2012. Il fixe un cadre général dont les règles seront précisées au deuxième semestre 2013 sur proposition de Réseau de transport d’électricité (RTE) et après avis de la Commission de régulation de l’énergie. L’hiver 2016-2017 sera le premier hiver couvert par ce nouveau mécanisme.

La pointe électrique augmente d’environ 3% chaque année, alors que la consommation électrique n’augmente parallèlement que de 0,6%. En dix ans, la pointe électrique a augmenté de 28% ! Cette tendance à la hausse pourrait se poursuivre avec le développement de nouveaux usages de l’électricité notamment la voiture électrique.

RTE, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité de France métropolitaine, prévoit que la sécurité d’alimentation électrique devrait être assurée jusqu’en 2015. À partir de 2016, elle devrait devenir plus tendue en raison notamment de la fermeture de certaines centrales thermiques à énergie fossile. À cette échéance, la puissance manquante est estimée à 1,2 GW et à 2,1 GW en 2017. Pour prévenir d’éventuels problèmes, le décret vise un lissage de la demande et la garantie des fournisseurs d’électricité d’être en capacité de répondre à cette demande de pointe.

Montrer sa capacité à satisfaire cette consommation de pointe

Le principe du dispositif est simple : avec le mécanisme de capacité, les fournisseurs d’électricité doivent justifier leur capacité à assurer l’approvisionnement en électricité de leurs clients, au moment des périodes de pointe de la demande électrique. Pour cela, ils devront acheter des « garanties de capacité » à compter de 2015.

Les fournisseurs peuvent acheter ces « garanties de capacité » soit auprès des producteurs d’électricité, qui exploitent les centrales électriques en France, soit auprès des opérateurs d’effacement. Pour garantir la transparence du système, les producteurs d’électricité et les opérateurs d’effacement devront faire certifier leurs capacités auprès de RTE. En certifiant les capacités des producteurs et des opérateurs d’effacement, RTE calculera les obligations de capacités de chaque fournisseur selon le profil de consommation de leurs clients.

En achetant ces garanties, les fournisseurs apportent une rémunération complémentaire aux producteurs d’électricité pour la disponibilité de leurs centrales électriques, ce qui leur permet notamment d’investir dans les moyens de production de pointe. De l’autre côté, ils apportent des financements aux opérateurs d’effacement pour le développement de nouvelles offres commerciales d’effacement.

Ces garanties de capacité sont des biens échangeables et cessibles. Les fournisseurs d’électricité pourront acquérir ou vendre leurs garanties de capacité afin d’atteindre le montant de leur obligation de capacité. Les échanges de garanties de capacité vont donc constituer un marché qui permettra de donner une valeur à l’effacement et à la disponibilité des capacités de production en période de pointe.

Par ailleurs, le mécanisme de capacité incitera à l’efficacité énergétique. En effet, un fournisseur qui encouragera ses clients à diminuer leur consommation en prenant des mesures d’efficacité énergétique aura une obligation de garanties de capacité plus faible.

Favoriser l’effacement

Un effacement de consommation consiste à réduire la consommation d’électricité d’un site par rapport à sa consommation normale, sur une base volontaire, en cas de pointe de consommation.

Les opérateurs d’effacement sont des acteurs spécialisés dans le développement de telles offres. Ils proposent à leurs clients des solutions techniques pour mettre en pause, pendant quelques minutes ou quelques heures, certains de leurs équipements dont la consommation est flexible. Par exemple, pour les particuliers, il peut s’agir des radiateurs, ballon d’eau chaude, climatisation…  Ce système sera d’autant plus facilité par la généralisation du compteur intelligent Linky.

Plusieurs « pointes » sont en jeux

Les pics de consommation coûtent cher et ont un impact environnemental au travers des augmentations d’émission de CO2, puisque pour répondre à ces pics, le recours aux centrales thermiques fonctionnant au gaz et au charbon est bien souvent la solution privilégiée.

Ces pics de consommation mettent aussi en péril l’équilibre entre la production et la demande d’électricité. Plusieurs causes en sont à l’origine, notamment la place du chauffage électrique et le développement de nouveaux usages de l’électricité (équipements électroménagers, informatiques, recharges multiples).

Il existe plusieurs types de « pointes » de consommation d’électricité : la pointe journalière, qui varie selon les saisons, et la pointe saisonnière, très sensible à la température en raison du fort équipement en chauffages électriques. Les pointes de consommation ne sont pas forcément observées en même temps à l’échelle du territoire national, ce qui suppose aussi une bonne gestion du réseau. Notons que les records de consommation, qui ont souvent lieu lors de vagues de froid exceptionnelles, sont atteints lorsque la pointe journalière se superpose à la pointe saisonnière.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique