Dans la nature, les insectes se distinguent par leurs multiples « oreilles » fonctionnant en coordination avec le cerveau central. Ce système auditif si particulier leur permet une capacité de détection, de localisation et de reconnaissance du son sans précédent. Les roboticiens rêvent depuis longtemps de reproduire cette prouesse sur leurs propres machines, mais le défi est de taille. Parvenir à analyser un signal multidimensionnel se heurte bien vite à des limitations techniques telles que la mise à l’échelle, la sensibilité et l’intégration du système. Pour franchir cette barrière technologique, une équipe de recherche menée par Teng Tan, de l’University of Electronic Science and Technology of China (Chengdu, Chine), s’est proposé de retranscrire l’ouïe des insectes en optique. Ainsi, la perception auditive passerait par l’utilisation de la lumière. Le résultat du travail des chercheurs est paru le 8 septembre 2025 dans le journal eLight.
Micro-peignes, silicone et fibre optique pour un système auditif complet
Le système mis au point par Teng Tan et ses collaborateurs se présente comme une plate-forme associant une source de lumière centrale à de multiples capteurs optiques. En fait de lumière centrale, il s’agit d’un « cerveau optique », c’est-à-dire de micro-peignes à solitons – un soliton étant une onde solitaire se propageant sans se déformer. La lumière passe par des liens photoniques en silicone, qui relient le « cerveau » aux capteurs. Ces derniers, au nombre de 108, sont en réalité des microphones à fibre optique. La synergie découlant des différents éléments de la plate-forme fournit des valeurs en sortie plus qu’appréciables. La détection ultra-sensible capte ainsi une pression minimale de 29,3 nPa/Hz1/2, la localisation est précise jusqu’à 0,3 cm près, et le suivi en temps réel permet d’identifier diverses cibles acoustiques (drones, moteurs…).
Des tests ont été réalisés à l’aide de 6 robots hexapodes d’un rayon d’environ 25 cm, munis chacun de 18 microphones à fibre optique. Leur but était de localiser en temps réel un petit drone à leur aplomb. Teng Tan et ses collègues ont déduit de l’expérience que 6 robots appareillés de leur technologie, et distancés les uns des autres de quelque 200 m, pourraient suivre un drone à la trace sur des distances supérieures à 1,2 km ! Et comme si cela ne suffisait pas, leur système auditif d’insecte robotique a montré sa capacité à discriminer entre différentes sources de bruit : une discussion humaine (250 à 400 Hz), un drone (500 à 750 Hz) et un véhicule (1 100 à 1 700 Hz). À l’avenir, l’intégration de l’invention des scientifiques à des robots autonomes pourrait permettre par exemple une meilleure gestion urbaine.
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