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Un nouvel outil pour suivre l’évolution du carbone stocké par les forêts

Posté le 19 novembre 2021
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Après 30 ans de recherches, un nouvel outil vient d'être mis en ligne afin d'évaluer les variations de la capacité des forêts à séquestrer le CO2 présent dans l’atmosphère. Il permet de suivre ce phénomène de manière fiable et indépendante dans chaque pays du monde.

Tout le monde peut à présent suivre les variations de la capacité des forêts à séquestrer le carbone présent dans l’atmosphère. La société Kayrros vient de mettre en ligne un nouvel outil, baptisé le Biomass Carbon Monitor, accessible gratuitement et qui évalue de manière fiable et indépendante ce phénomène dans chaque pays du monde. Cet outil est le fruit d’un travail de recherche mené depuis 30 ans par l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et le LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement).

Cette plateforme géospatiale est alimentée par les données du satellite SMOS de l’ASE (Agence spatiale européenne) qui enregistre l’émission des micro-ondes à la surface des sols et grâce à l’utilisation d’un indice de végétation appelé L-VOD (L-band vegetation optical depth). Ce dernier a la capacité de sonder l’ensemble de la strate végétale et non pas uniquement le sommet de la canopée. Une performance rendue possible grâce à l’utilisation d’une bande fréquence L possédant une grande longueur d’onde, supérieure à 20 cm. « Jusqu’à présent, les observations satellitaires saturaient dès que la végétation était abondante, explique Jean-Pierre Wigneron, directeur de recherche à l’INRAE. Grâce à la fréquence L du satellite SMOS et l’indice L-VOD, nous pouvons mesurer précisément la quantité de biomasse aérienne. Notre outil est unique au monde, aucun autre produit ne peut suivre de cette façon la biomasse mondiale. »

Grâce à un historique de données remontant à 2011, il est possible de suivre l’évolution des quantités de carbone stockées par la forêt sur les dix dernières années. Résultat, 760 Mt (millions de tonnes) ont été séquestrés sur cette période dans le monde. Un volume significatif puisqu’il a permis de compenser près de 8 % des émissions de CO2 liées à la consommation d’énergies fossiles et à la production de ciment sur cette même période. Depuis 2011, il apparaît que les quantités de carbone stockées sont globalement en constante évolution. « Sauf en 2015 et 2016 où elles ont baissé à cause d’importantes sécheresses dans les tropiques liées à l’événement climatique El Niño, précise le chercheur. Ce phénomène a eu un impact global à l’échelle de la planète et une fois terminé, on a observé une reprise de la végétation dans les régions concernées et les quantités stockées sont reparties à la hausse à l’échelle du globe. »

Des puits de carbone en Russie et en Chine

Dans le détail, les forêts de l’hémisphère nord ont plutôt tendance à stocker du CO2, car elles font globalement l’objet d’une gestion raisonnée, comme c’est le cas en France. Certains pays voient leur capacité de stockage augmenter, à l’image de la Russie occidentale. Entre 2011 et 2020, les quantités séquestrées dans cette partie du monde se sont élevées à 100 Mt, ce qui représente plus que l’intégralité des forêts de l’Union européenne. Cet important volume s’expliquerait entre autres par la présence d’un puits de carbone en Sibérie et lié à la repousse de la forêt sur des terres agricoles laissées à l’abandon. La Chine voit aussi sa capacité à séquestrer le CO2 grâce à ses forêts progresser, à la faveur notamment de vastes programmes publics de reforestation. Ainsi, dans le sud de ce pays, un important puits de carbone est à présent visible et représente un gain de CO2 de 80 Mt par an sur la dernière décennie.

À l’inverse, les forêts de l’hémisphère sud ont plutôt tendance à émettre du CO2 à cause de la déforestation et des multiples dégradations qu’elles subissent, c’est-à-dire des coupes sélectives, des feux, des dépérissements d’arbres liés aux sécheresses répétées… Ainsi, les forêts brésiliennes perdent dorénavant 40 Mt de CO2 chaque année, celles boliviennes 20 Mt.

« On connaissait déjà toutes ces tendances, la nouveauté est de parvenir à les quantifier exactement en millions de tonnes et de suivre leur évolution, analyse Jean-Pierre Wigneron. À présent, les pays ne pourront plus tricher ou faire des promesses. Tous les chiffres sont publics et on voit très clairement les endroits où le stockage du CO2 progresse ou diminue. C’est sans doute un outil de pression politique qui permettra aussi d’aider les pays à mieux gérer leurs stocks. »

Les données du Biomass Carbon Monitor seront mises à jour tous les trimestres sur internet. Et pour les pays qui souhaiteraient recevoir des bilans et des chiffrages plus précis, ils pourront prendre contact avec la société Kayrros, qui a la charge de les commercialiser.


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