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Une nouvelle méthode pour évaluer l’efficacité de la phytostabilisation

Posté le 11 juin 2021
par Nicolas LOUIS
dans Chimie et Biotech

Des chercheurs ont mis au point un nouveau dispositif pour mesurer avec précision l'impact de l'implantation d'un couvert végétal afin de réduire la mobilité de polluants contenus dans un sol. L'installation ressemble à un grand pot à la taille métrique que l'on appelle un mésocosme.

Apparue à la fin des années 1960, la phytostabilisation consiste à implanter un couvert végétal afin de réduire la mobilité de polluants contenus dans un sol, principalement liée aux phénomènes d’érosion. Cette technique est utilisée pour réhabiliter de larges zones contaminées, comme d’anciens sites industriels, notamment miniers. Deux méthodes sont actuellement utilisées pour évaluer son efficacité : l’expérimentation en pot en conditions de laboratoire ou l’utilisation de placettes de quelques mètres carrés à même le sol et directement placées sur le futur site d’implantation. Ces deux méthodes présentent l’inconvénient d’étudier uniquement ce qui se passe au niveau de la surface du sol et des racines. Un projet de recherche nommé PhytoSELECT et coordonné par l’ISTO (Institut des Sciences de la Terre d’Orléans) a développé une nouvelle méthode d’étude de la phytostabilisation, plus précise, et qui permet notamment d’analyser l’impact de cette technique au niveau du sous-sol.

Le mésocosme est installé dans un laboratoire du BRGM à Orléans – Crédit photo BRGM

« Notre méthode se situe à une échelle intermédiaire, à mi-chemin entre la culture en pot et le système de placettes, explique Fabienne Battaglia-Brunet, microbiologiste au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), partenaire de ce projet. Dans notre laboratoire à Orléans, nous avons utilisé une colonne qui contient environ 1 m³ de terre, et sur laquelle nous avons placé des capteurs pour suivre différents paramètres, comme l’humidité. L’installation ressemble à un grand pot à la taille métrique que l’on appelle un mésocosme. Grâce à ces conditions contrôlées, nous sommes capables d’observer l’efficacité de la phytostabilisation au niveau de la surface du sol et des racines, mais aussi jusqu’à un mètre en dessous des plantes. Au fond de cette colonne, nous avons en plus créé une zone saturée en eau qui représente la nappe souterraine. »

Schéma représentant la coupe du mésocosme – Crédit photo BRGM

Une plante déjà adaptée à la toxicité du sol

Ce mésocosme a été rempli avec un résidu minier prélevé sur le site d’une ancienne exploitation de plomb et d’argent située dans le Puy-de-Dôme, et dont le sol contient différents polluants, principalement du plomb, mais aussi du zinc et de l’arsenic. Pour le choix de l’espèce végétale à implanter, le LBLGC (Laboratoire de biologie des ligneux et des grandes cultures), associé à ce projet, a sélectionné une plante déjà présente sur le site : l’Agrostis capillaris. Il s’agit d’une petite graminée présente sur de nombreux anciens sites miniers en raison de sa résistance aux métaux. Étant prélevée sur le site d’étude, elle a l’avantage d’être déjà adaptée à la toxicité du sol. Elle présente aussi l’intérêt de posséder un système racinaire dense et donc une capacité à stabiliser les polluants présents dans le sol.

Le résidu minier a été prélevé sur le site d’une ancienne exploitation de plomb et d’argent située dans le Puy-de-Dôme – Crédit photo BRGM

Comme il est souvent d’usage en phytostabilisation, plusieurs amendements ont été apportés à même le sol afin d’aider la plante à pousser. Tout d’abord du fumier pour fournir les nutriments à la graminée qu’elle ne trouve pas dans le sol. Ensuite, de la boue d’oxyde de fer afin de rendre l’arsenic moins mobile. « Les éléments toxiques présents dans le sol ont des comportements différents en fonction de son pH, ajoute la chercheuse du BRGM. L’apport de fumier a pour effet de le faire remonter et donc de rendre le plomb moins mobile. Par contre, l’arsenic a justement besoin d’un sol acide pour rester immobile. Nous rajoutons donc de la boue d’oxyde de fer qui empêche une trop grande mobilité de l’arsenic ». Un troisième amendement a été apporté, sous la forme de biochar, produit à partir de végétaux pyrolysés. Il a pour rôle de tamponner l’acidité de la terre et libère également des nutriments. Il permet aussi d’aérer le sol et d’aider les plantes à pousser.

Après le semis dans le mésocosme, les scientifiques ont observé une croissance rapide des plantes, même après plusieurs coupes. L’efficacité de la phytostabilisation a été jugée satisfaisante avec une stabilisation mécanique des éléments toxiques, c’est-à-dire leur piégeage par les racines, réduisant leur mobilité en cas de pluies et de vent. Sur le plan biogéochimique, les plantes ont démontré leur capacité à piéger les polluants grâce à des processus d’accumulation et d’encroûtement au niveau racinaire. Résultat : alors que 10 milligrammes par litre de plomb ont été constatés dans les solutions à la surface du sol au départ de cette expérimentation, sa concentration est descendue en dessous du milligramme grâce aux amendements.

Une augmentation du plomb dans l’eau souterraine

Mais surtout, le mésocosme a permis d’observer un phénomène que les deux autres méthodes d’évaluation couramment utilisées ne permettent pas. « Pendant une courte période, lors des apports d’amendements, nous avons observé une augmentation de la concentration en plomb dans la zone représentant l’eau souterraine, révèle Fabienne Battaglia-Brunet. Ce qui s’observe en surface ne reflète donc pas forcément la réalité de ce qui se passe en profondeur. Cela donne tout l’intérêt à notre travail de recherche et à notre mésocosme. »

Pour l’heure, les scientifiques émettent différentes hypothèses face à cette augmentation de plomb dans l’eau sous-jacente. L’une d’elles serait que la boue d’oxyde de fer ou le biochar libèrent des ions en solution qui entreraient en compétition avec les polluants adsorbés. Et ce phénomène provoquerait une modification du lien entre les polluants toxiques et les minéraux du sol, et favoriserait la mobilité du plomb en profondeur. « Lorsque nous aurons réussi à interpréter d’où vient ce phénomène, nous pourrons proposer des solutions pour le maîtriser, précise la chercheuse. Encore une fois, cela montre bien l’intérêt de notre méthode pour évaluer l’efficacité de la phytostabilisation. »

Les résultats de cette expérimentation doivent prochainement faire l’objet d’une publication scientifique. Le mésocosme pourrait être utilisé sur d’autres sites contaminés afin d’optimiser le processus de stabilisation des polluants avant l’installation d’un couvert végétal. Le bureau d’études IDDEA, intéressé par l’application de techniques de phytomanagement, est d’ailleurs associé à ce projet.


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