Des fibres optiques en verre de chalcogénure utilisées pour observer les réactions chimiques d'une batterie.

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Une technologie pour observer les réactions chimiques dans les batteries commerciales

Posté le 29 novembre 2022
par Nicolas LOUIS
dans Chimie et Biotech

Alors que les batteries commerciales sont considérées comme de véritables boîtes noires, des scientifiques ont utilisé des fibres optiques en verre de chalcogénure pour observer les réactions chimiques à l'intérieur. Cette technologie pourrait permettre d'améliorer les performances et la conception des futures batteries.

Les batteries sont des systèmes électrochimiques capables de stocker de l’énergie électrique sous la forme chimique puis de la restituer. S’il est possible, en laboratoire, d’observer ces réactions chimiques, grâce à des cellules munies de fenêtres transparentes par exemple, ce type de dispositif ne peut pas être installé dans des batteries commerciales, qui sont considérées comme de véritables boîtes noires. Une équipe de recherche regroupant des scientifiques du Collège de France, du CNRS, de l’Université Rennes 1 et de l’Université de Montpellier vient de résoudre cette difficulté en développant une méthode pour suivre l’évolution de la chimie à l’intérieur d’une batterie, en direct, et tout au long de ses multiples charges et décharges. Ces travaux viennent de faire l’objet d’une publication dans Nature Energy.

« Les batteries sont composées d’une électrode positive et d’une électrode négative, qui vont servir à stocker les ions lithiums, explique Charlotte Gervillié-Mouravieff, chercheuse au Collège de France. Au milieu se trouve un liquide appelé l’électrolyte, qui permet aux ions de passer d’une électrode à l’autre. Lors de la charge, le courant force des réactions chimiques et l’énergie se stocke dans le pôle négatif, puis lors de la décharge, une réaction électrochimique spontanée engendre le déplacement inverse des électrons vers le pôle positif. L’énergie est ainsi libérée pour créer un courant électrique. Contrôler et étudier la chimie d’une batterie tout au long de sa vie est crucial pour comprendre son fonctionnement, mais aussi améliorer ses performances ainsi que la conception des futures batteries. »

Les chercheurs ont utilisé des fibres optiques un peu particulières, fabriquées à partir de chalcogénure, pour observer ce qui se passe à l’intérieur de la batterie. Il s’agit d’une famille de verre qui permet le transport de la lumière dans le domaine des infrarouges. Un point très important, car la plupart des molécules présentes dans l’électrolyte absorbent cette gamme de longueurs d’onde. Concrètement, la fibre vient traverser la batterie dans le sens de la longueur et est plongée dans l’électrolyte. À l’entrée, de la lumière infrarouge est envoyée, et tout le travail consiste ensuite à observer quelle partie de cette énergie a disparu. En analysant celle-ci, il est possible d’en déduire les molécules ayant rencontré la lumière dans la batterie.

« Cette technologie nous permet de suivre la nature des molécules présentes ainsi que leur quantité, complète la chercheuse. Ce suivi n’avait jamais pu être réalisé jusqu’ici dans des batteries commerciales. La lumière infrarouge est particulièrement intéressante, car elle est absorbée en fonction des liaisons chimiques. Nous obtenons donc une précision de mesure à l’échelle de la liaison chimique, et l’on peut ainsi certifier les types de molécules présentes. »

Suivre en temps réel le fonctionnement des batteries

Des tests ont été réalisés sur des batteries de type sodium-ion conçues par la start-up française Tiamat Energy. Résultat : ce procédé a démontré sa capacité à identifier les additifs présents dans l’électrolyte et à suivre en temps réel leur évolution durant le fonctionnement de la batterie. À terme, il pourrait servir à mieux déterminer les différents rôles de chacun et à fournir des préconisations sur l’emploi de tel additif plutôt que tel autre.

Au-delà de l’électrolyte, les scientifiques ont démontré que ce nouveau procédé permet aussi d’observer le comportement de certains matériaux dans la batterie. C’est le cas notamment du LFP (Lithium fer phosphate), l’un des matériaux les plus couramment utilisés au niveau de l’électrode positive. Étant donné que les phosphates absorbent la lumière infrarouge, il est ainsi possible de suivre la quantité de lithium dans cette électrode en fonction des cycles de charge et décharge. Du côté de l’électrode négative, les fibres optiques permettent également d’étudier l’interface entre l’électrolyte et l’électrode, que l’on appelle SEI (Solid electrolyte interphase). Cette couche, qui se forme lors de la première utilisation de la batterie, est à la fois conductrice d’ions et isolante des électrons. Son étude est essentielle, car sa stabilité est déterminante pour la longévité des batteries.

Cette nouvelle technologie pourrait à l’avenir être intégrée dans des batteries commerciales afin de mieux comprendre leur fonctionnement. « L’intégration des fibres optiques dans les batteries suscite un vrai intérêt dans les communautés scientifiques et chez les industriels, confie Charlotte Gervillié-Mouravieff. Les fibres optiques de chalcogénure sont un matériau plutôt rare et peu diffusé sur le plan commercial, mais sont déjà employées par la start-up Diafir pour des applications dans le biomédical. En réunissant différents acteurs, je pense que l’on pourrait trouver des applications concrètes de notre procédé. En parallèle, nous continuons à explorer toutes les possibilités de cette nouvelle technologie en laboratoire. »


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