Cet accord stratégique de fourniture d’Uranium doit être rapproché de celui, rapporté récemment, concernant la purification par l’industrie indienne d’oxydes de terres rares, à partir de minerais australiens, pour les besoins des industriels japonais qui veulent se dégager du quasi-monopole chinois dans ce domaine.
L’Inde produit son électricité de base essentiellement à l’aide de centrales au charbon, situées dans les ports et alimentées en charbon importé. Les problèmes de logistique au sein de ce vaste continent l’empêchent de brûler le charbon local et abondant. En 2014, ce pays va allègrement émettre plus de 2 milliards de tonnes de CO2 (Figure.1) qui, pour en mesurer l’importance, doivent être rapportées à des émissions mondiales non agricoles qui devraient atteindre les 40 milliards de tonnes durant la décennie à venir.
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Figure.1 :
Il y a dans cet exemple indien l’essentiel de la problématique de génération d’énergie électrique dans le monde d’aujourd’hui qui a le choix entre produire plus de CO2 en brûlant du charbon peu onéreux, ou bien opter pour un développement massif de l’énergie électronucléaire peu consommatrice en combustibles.
Ce choix pays par pays est éminemment politique, la France a opté pour la deuxième option il y a de cela quarante ans, c’était alors un vrai virage énergétique majeur pour notre pays. L’Allemagne, pour des raisons de cohésion populaire, semble avoir opté pour la première option, quoiqu’elle produise encore beaucoup d’électricité d’origine électronucléaire (51 TWh soit autant que l’éolien et le solaire allemand réunis, pour les 7 premiers mois de 2014, nous informe le Fraunhofer), productions de base électronucléaires semble-t-il prévues pour une durée indéterminée, sous peine de devoir pousser les feux des centrales au lignite local ou au charbon importé ce qui ferait mauvais effet.
Les Etats-Unis, en raison de leurs ressources naturelles, ont pour l’instant opté pour une voie intermédiaire qui consiste à brûler de plus en plus de gaz naturel, localement peu onéreux, et dont la combustion en cycle combiné émet trois fois moins de CO2 que celle du charbon. Ils ferment, eux, leurs centrales au charbon devenues obsolètes, non rentables et inutiles et projettent de supprimer 60 GW de capacité de génération électrique à base de charbon entre 2012 et 2020, l’équivalent de plus de 2 fois la puissance actuelle des centrales allemandes au charbon.
L’Inde possède, à ce jour, 21 générateurs électronucléaires d’une faible puissance nominale cumulée de 5,3 GW et qui produisent un trentième de l’énergie électrique locale. La moitié de ces réacteurs produisent à faible puissance à l’aide d’Uranium local peu disponible, l’autre moitié utilise l’uranium importé de Russie ou du Kazakhstan. D’après la World Nuclear Association 6 réacteurs seraient en cours de construction et la construction de 22 autres réacteurs serait planifiée.
Selon Bloomberg, les autorités indiennes viseraient à atteindre un parc électronucléaire de 63 GW à l’horizon 2032. Une large part de cette puissance électrique générée reposerait alors sur de l’uranium importé.
Ces données illustrent combien va être important le développement de filières de génération électronucléaire d’électricité dans de nombreux grands pays. C’est bien souvent la seule voie réaliste qui permette de résoudre les problèmes d’addiction de certaines nations à la combustion de charbon, choix antérieur délibéré pour disposer à moindres coûts de puissance électrique. Le choix de l’outil du dumping énergétique par la Chine, le plus gros consommateur mondial de charbon et premier émetteur mondial de CO2, illustre cette impérieuse nécessité. Dans le cas de l’Inde, cette conversion énergétique à marche forcée semble être engagée.
Par Raymond Bonnaterre
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