Décryptage

Captage et stockage du CO2 : solution ou problème ?

Posté le 28 novembre 2010
par La rédaction
dans Environnement

Alors que Total s’apprête à tester une chaîne complète de captage et de stockage du CO2 dans les Pyrénées-Atlantiques, cette technique reste très discutée. En dépit de ses mérites écologiques, le manque de recul sur cette pratique, son coût et la comparaison avec le traitement des déchets nucléaires font débat. Explications.

Les procédés de captage et de stockage du CO2 se multiplient depuis quelques mois. Après la Norvège, pionnière de cette technologie en mer du Nord, et le Canada, où le projet de Weyburn, pharaonique, vise à emprisonner 1,8 million de tonnes de CO2 par an, c’est en France, dans les Pyrénées-Atlantiques qu’un projet massif de stockage du gaz carbonique va voir le jour. C’est une chaîne complète de captage et de stockage que la société Total va mettre en place sur le site de Lacq. S’il ne s’agit que d’un test, il marque néanmoins la volonté d’évaluer en conditions réelles les avantages et les inconvénients du captage et du stockage des gaz à effet de serre.

Pourtant, à peine lancé, le projet soulève déjà nombre d’interrogations. Ainsi, le coût de cette installation, mais également sa pertinence écologique posent question. François Moisan, directeur de la stratégie et de la recherche à l‘ADEME, attend de voir : « Il est encore trop tôt pour savoir quand la filière du captage et du stockage du CO2 arrivera à maturité. Il lui faut d’abord faire ses preuves, économiques et techniques. »

Quoi qu’il en soit, face à l’objectif des pays industrialisés de diviser par quatre les émissions de CO2 d’ici à 2050, le captage et le stockage du CO2 (C.S.C) est une piste sérieuse. L’idée est d’ailleurs assez simple. Il s’agit de limiter les rejets de CO2 dans l’atmosphère, le principal gaz à effet de serre, en le piégeant à la source : les fumées des centrales thermiques à charbon, à gaz ou à fioul, celles des cimenteries, des raffineries ou des usines sidérurgiques sont des sources importantes d’émissions de CO2.

Aujourd’hui, il existe trois principales techniques de captage, pour la plupart dérivées de celles mises en place dans l’industrie pétrolière et gazière. Il s’agit de :

Mais leur mise en pratique s’avère délicate. Le problème principal lié à ces techniques, notamment pour la post combustion, est leur coût qui demeure très élevé, et leur gourmandise d’un point de vue énergétique. Ainsi, le captage à lui seul représente près de 70 % du coût de la filière C.S.C. Au final, le coût d’un tel traitement est compris entre 60 et 100 euros pour une tonne de gaz carbonique économisée, ce qui est très cher (la viabilité économique se situe autour de cinq tonnes).

Les experts pensent tout de même que la standardisation des procédés pourrait aider la filière à diminuer ce prix lié au captage. L’étape suivante est le transport. Que ce soit par voie maritime ou par gazoduc, le gaz doit être comprimé, ce qui constitue une fois de plus une opération coûteuse.

Enfin, la problématique du stockage soulève également des questions. Trois possibilités sont envisagées, correspondant à trois types de sous-sols :

Comme pour le captage, le stockage soulève des interrogations. Ainsi, en ce qui concerne les aquifères salins, les chercheurs insistent sur la nécessité pour ces nappes salées d’une étanchéité parfaite, sous peine de contamination dramatique des nappes phréatiques d’où est tirée l’eau potable.

Les obstacles sont donc nombreux, mais selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la C.S.C permettrait de récupérer plus de 80 % du gaz carbonique produit par une centrale électrique, et plus d’un tiers des émissions d’origine humaine. Le test mené dans les Pyrénées permettra aux experts de répondre à certaines de leurs interrogations, et notamment en ce qui concerne la viabilité financière de cette méthode.

Enfin, comme pour les déchets nucléaires, le stockage du carbone doit faire face aux réticences populaires locales, comme c’est le cas sur le site de Lacq. « Au-delà des problèmes de coût et de validation scientifique, la filière doit aussi se préoccuper de son acceptabilité sociale », explique François Moisan.

P.T