Les terres rares, ces métaux indispensables à une multitude de technologies modernes, sont devenues des ressources stratégiques incontournables. À l’heure où les tensions géopolitiques sur leur approvisionnement montent en flèche, la France se trouve dans une position précaire. Malgré une demande en constante augmentation, le pays ne dispose d’aucun gisement exploitable à court terme et dépend largement de l’importation, principalement depuis la Chine. Face à ce défi, le CNRS a publié une étude dans laquelle il met en lumière trois approches complémentaires pour limiter la dépendance et répondre aux enjeux environnementaux associés à leur utilisation.
Le premier axe vise à réduire la demande en terres rares, en favorisant leur substitution par des matériaux alternatifs et en adoptant une approche plus sobre dans leur utilisation. L’idée est de revoir la manière dont ces métaux sont utilisés dans la fabrication de dispositifs technologiques, en les remplaçant par des éléments moins critiques ou en réduisant la quantité de terres rares nécessaires sans altérer la performance des produits.
Dans le cas des aimants permanents, utilisés dans les moteurs de véhicules électriques ou les générateurs d’éoliennes, des solutions existent pour limiter la proportion de terres rares, notamment le néodyme. Par exemple, des technologies de substitution et des réagencements dans la conception des moteurs peuvent permettre de réduire l’usage des terres rares. Cette substitution n’est malgré tout pas sans inconvénients, puisque utiliser des aimants sans terres rares nécessiterait d’augmenter leur masse de quatre à cinq fois pour maintenir les mêmes performances.
Le recyclage constitue une autre réponse stratégique face à la dépendance croissante aux terres rares. Cependant, bien que cette solution présente une empreinte carbone nettement inférieure à celle de l’extraction primaire, son taux global reste alarmant : moins de 1 % des terres rares sont recyclées à l’échelle mondiale. Le principal obstacle réside dans la complexité logistique et technique du recyclage, notamment en raison de la dispersion des terres rares dans des produits électroniques de petite taille, tels que les téléphones mobiles.
Les déchets électroniques sont un gisement encore largement inexploité
Pourtant, les experts du CNRS soulignent que des avancées importantes sont possibles. Grâce à des innovations technologiques, comme l’amélioration des procédés métallurgiques et la mise en place de boucles de recyclage plus courtes et plus efficaces, le potentiel de récupération des terres rares issues des déchets électroniques est considérable. Par exemple, un calcul montre qu’il faudrait recycler 2 millions de téléphones pour obtenir la même quantité de terres rares que celle présente dans une seule éolienne offshore. Bien que ce chiffre soit impressionnant, il souligne la difficulté de structurer un système de recyclage efficace à grande échelle.
Enfin, le CNRS explore la possibilité d’extraire les terres rares de manière plus responsable, en se tournant vers des sources alternatives comme les déchets miniers ou industriels, ainsi que les ressources marines. La France dispose de stocks considérables de terres rares dans ses résidus industriels, tels que les boues rouges issues de l’extraction de l’alumine à partir de la bauxite ou les cendres de charbon provenant des centrales thermiques, qui représentent une ressource sous-exploitée. Bien que leur extraction soit encore limitée par des défis techniques et économiques, ces ressources secondaires pourraient jouer un rôle clé dans la diversification des approvisionnements.
Les fonds marins, riches en nodules polymétalliques contenant des terres rares, sont également considérés comme une source potentielle. Cependant, leur exploitation soulève des préoccupations environnementales majeures, et des débats politiques se sont engagés sur la nécessité d’un moratoire pour protéger ces écosystèmes vulnérables. De plus, l’exploitation minière, qu’elle soit terrestre ou marine, pose des questions sociales et éthiques, en particulier sur la gestion des impacts environnementaux et les droits des populations locales.
Si la France ne peut se passer des terres rares à court terme, l’économie circulaire offre déjà des pistes concrètes pour limiter sa vulnérabilité. Réduire la demande, renforcer le recyclage et développer des modes d’extraction plus durables pourraient amorcer un tournant vers une utilisation plus responsable. Mais cette transition ne pourra aboutir qu’au prix d’un engagement politique fort et d’une coopération internationale capable de sécuriser ces ressources stratégiques.
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