L’Office européen des brevets a annoncé, le 6 mai dernier, qu’elle décernera un prix qui pourrait bien bouleverser l’industrie mondiale des terres rares. Destinée à récompenser les dix jeunes innovateurs de demain, l’édition 2025 a distingué Marie Perrin pour avoir mis au point un nouveau procédé d’extraction des terres rares. Cette technique, qui a été brevetée, s’inspire de la nature et présente donc l’avantage d’être plus propre et plus rapide que les méthodes conventionnelles jugées trop polluantes.
« Les terres rares ne sont pas rares, il suffit de savoir les extraire »
La lauréate a commencé à s’intéresser aux terres rares durant le doctorat qu’elle préparait à l’école polytechnique fédérale de Zurich. Ces métaux sont, en réalité, répandus dans la croûte terrestre ; la dénomination trompeuse est liée à la difficulté à laquelle se sont heurtés les scientifiques pour parvenir à les isoler et les purifier.
La technique conçue par la chimiste cible spécifiquement l’europium parmi les 17 terres rares répertoriées. En raison de son pouvoir luminescent, cet élément est indispensable pour les écrans LED et les luminaires à faible consommation d’énergie comme les ampoules. Son idée innovante repose sur le recyclage qui permet de récupérer l’europium dans des déchets électroniques où sa concentration est jusqu’à vingt fois supérieures à celles contenues dans des minerais naturels.
Une technique novatrice
Sa méthode innove par sa rapidité grâce à des techniques avancées de filtration et de séparation. En déclenchant une réaction redox[1] par l’interaction entre, d’un côté, les poudres de phosphore issues des lampes cassées et de l’autre, des petites molécules bio-inspirées contenant du soufre, elle est parvenue à séparer l’europium des autres éléments. La récupération s’effectue ainsi en une seule étape avec un haut niveau de pureté alors qu’elle nécessite, avec les méthodes habituelles, des centaines d’étapes chimiques complexes et polluantes. Au bout de quelques heures, suite à cette seule étape, un précipité doré enrichi en europium se forme.
Concilier innovation et préservation de l’environnement
En éliminant les étapes d’extraction minière, de séparation et de raffinage, cette nouvelle technique permet de réduire les déchets toxiques engendrés par l’utilisation des nombreux produits chimiques. Par exemple, la production d’une tonne d’oxydes de terres rares nécessite d’employer de 6 à 7 tonnes de sulfate d’ammonium et de 1,2 à 1,5 tonne d’acide oxalique. L’extraction et le traitement d’une tonne de terres rares peuvent engendrer jusqu’à 2 000 tonnes de déchets toxiques, dont des composés radioactifs.
Pour développer sa technique à une échelle industrielle, la chimiste a fondé une start-up baptisée REEcover[2]. Des recycleurs assurent le traitement des lampes. La chimiste souhaite élargir le spectre des métaux ciblés en s’intéressant désormais aussi au recyclage des terres rares utilisées dans les aimants comme le néodyme et le dysprosium qui entrent dans la composition des voitures électriques et des éoliennes.
Cette découverte laisse-t-elle envisager un ralentissement dans la course à l’extraction minière des terres rares qui sont devenues incontournables avec l’essor des technologies numériques ? En toile de fond, ces éléments clés sont également un instrument de puissance géopolitique, la Chine demeurant dans une position de monopole. Le recyclage pourrait changer la donne alors que moins de 1% des terres rares sont recyclées.
[1] Réaction d’oxydoréduction
[2] De l’anglais Rare Earth Elements
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