News de science

De nouveaux matériaux synthétisés pour stocker les gaz industriels inflammables

Posté le 30 mai 2022
par Nicolas LOUIS
dans Chimie et Biotech

Des scientifiques sont parvenus à fabriquer une nouvelle famille de matériaux possédant des capacités très prometteuses pour le stockage de gaz inflammables. Appartenant à la famille des MOF (Metal–Organic Frameworks), l'un d'entre eux est capable de stocker et relarguer 90 fois plus d’acétylène que les matériaux poreux actuellement utilisés.

L’acétylène est classé dans la catégorie des gaz hautement volatils et inflammables. Pour les industriels, il est trop risqué de le stocker dans des bouteilles à haute pression, comme c’est le cas avec le butane et le propane. Ils peuvent utiliser des matériaux poreux, mais qui ne permettent pas des cycles de stockage et relargage optimaux. En cause : leur grande affinité avec les molécules de gaz inflammables, ce qui complique leur libération au moment du déstockage, car elles se retrouvent piégées dans le matériau hôte. Une équipe de recherche internationale, regroupant le CNRS, Air Liquide et l’Université de Kyoto au Japon, vient de mettre en évidence les capacités très prometteuses d’une nouvelle famille de matériaux pour le stockage de gaz inflammables tel que l’acétylène. Ces travaux viennent d’être publiés dans la revue Nature Chemistry.

Le matériau appartient à la famille des MOF (Metal–Organic Frameworks) ou réseaux métallo-organiques en français, ces derniers étant capables de former des structures cristallines nanoporeuses. Il est constitué de briques organiques (l’acide 1,4-benzènedicarboxylique et la 4,4’-bipyridine) et de briques métalliques (le zinc). « À l’image d’un jeu de Lego, ces briques sont assemblées à l’aide de connecteurs pour créer un matériau à trois dimensions, comme une charpente, explique François-Xavier Coudert, directeur de recherche au CNRS. L’idée principale est d’utiliser une brique organique et de la lier à au moins deux métaux afin de parvenir à créer un réseau. » Une deuxième étape consiste à modifier ces briques grâce à l’incorporation de différents groupes chimiques. Plusieurs d’entre eux ont été testés, et les scientifiques ont démontré que l’ajout des groupes nitro (NO2) ou amino (NH2) permet de faire varier la gamme de pression lors du stockage de l’acétylène.

Structure du Metal-Organic Framework MOF-508, composé de carbone (noir), d’azote (bleu), d’oxygène (rouge) et de zinc (vert). Crédit : François-Xavier Coudert/CNRS

Ce nouveau matériau a la caractéristique de proposer deux états, l’un ouvert et l’autre fermé, facilitant ainsi l’absorption et la désorption du gaz. Pour un volume donné, il est capable de stocker et relarguer 90 fois plus d’acétylène que les matériaux poreux actuellement utilisés. Il permet aussi de récupérer 77 % du gaz stocké dans une bouteille, une performance largement supérieure aux matériaux traditionnels, et cela, aux conditions de température et de pression imposées par l’industrie. « La pression idéale de la plupart des matériaux actuellement sur le marché ne correspond pas à celle à laquelle les industriels veulent travailler, analyse le chercheur. Les gaz inflammables sont soit stockés dans des bouteilles qui n’ont pas beaucoup d’affinité avec le gaz, mais dans ce cas, on en stocke peu. Ou alors, dans des matériaux qui ont beaucoup d’affinités avec le gaz, permettant ainsi d’en stocker plus, mais dans ce cas, le déstockage devient difficile. L’avantage de notre nouveau matériau est que l’on peut stocker une quantité importante d’acétylène et en même temps le relâcher facilement. On gagne sur les deux tableaux, ce qui n’est pas possible avec les matériaux conventionnels. »

Tester d’autres combinaisons pour stocker le CO2 et le méthane

L’autre point positif de ce matériau est qu’il est flexible, c’est-à-dire qu’il est possible de faire varier ses caractéristiques grâce aux différents groupes chimiques ajoutés, afin qu’elles correspondent à la gamme de pression des industriels. « Ce qui n’est pas le cas avec les matériaux actuels, qui ne sont pas ajustables, ajoute François-Xavier Coudert. S’ils ne correspondent pas aux contraintes des industriels, il faut alors s’orienter vers une autre famille de matériaux. » Les scientifiques vont poursuivre leur travail de recherche pour tester d’autres combinaisons de groupes chimiques pour que ce nouveau matériau soit adapté au stockage d’autres types de gaz tels que le CO2 et le méthane.

Ce nouveau matériau a d’ores et déjà fait l’objet d’un dépôt de brevet par l’Université de Kyoto et Air Liquide. Pour l’instant, un démonstrateur a été conçu, fonctionnant dans des conditions d’utilisation proches de celles employées par les industriels, mais à l’échelle d’un laboratoire. L’étape suivante va consister à tenter de réaliser la synthèse de ce matériau à plus grande échelle.


Pour aller plus loin