Développée depuis les années 1960 à la fois aux USA (Dr. Binning) et en Europe (Prof. Néel), la pervaporation est historiquement un procédé de séparation de mélanges liquides qui met à profit le transfert sélectif de matière à travers une membrane polymère dense. Désormais, il faut élargir le phénomène de pervaporation aux membranes inorganiques nanoporeuses apparues dans les années 1990 et développées par Kita sur la base de membranes multicouches ayant une couche sélective de type zéolite NaA. Enfin, cherchant à cumuler les avantages des membranes polymères et des membranes inorganiques, des membranes à matrices mixtes sont aussi produites et utilisées en pervaporation.
Au cours de cette opération, le flux de matière qui traverse la membrane, nommé perméat, est vaporisé puis récupéré en aval en général par condensation sur une paroi froide. Par rapport à la distillation, la pervaporation est particulièrement intéressante pour la séparation de composés ayant des volatilités voisines. En effet, alors que la distillation demande dans ce cas un nombre important de plateaux et un taux de reflux élevé entraînant une forte consommation énergétique liée aux vaporisations successives, la pervaporation permet en un seul étage de séparer majoritairement l’un des composés par vaporisation à travers la membrane, de préférence le composé minoritaire car la densité de flux est faible comparativement aux autres procédés membranaires. Il en résulte que ce mode de séparation est plus économe en énergie que la distillation. L’exploitation de ce phénomène permet d’utiliser la pervaporation essentiellement en tant que procédé d’épuration, d’extraction ou de déplacement d’équilibre.
Parce qu’il tire généralement partie d’interactions fortes entre la membrane et les composés à extraire, ce procédé présente en outre une sélectivité de séparation qui peut être complètement différente de celle de la distillation, procédé avec lequel il est souvent couplé. Ainsi, la pervaporation permet de fractionner des mélanges azéotropiques très facilement alors que la distillation conventionnelle ne le permet pas. Cette technique est utilisée industriellement pour traiter des mélanges hydroorganiques (déshydratation de solvants et extraction de composés organiques), mais ses aptitudes à séparer des mélanges entièrement organiques ont aussi déjà été montrées au stade industriel. Associée à d’autres procédés, la pervaporation permet souvent des optimisations en réalisant d’importantes économies d’énergie et de matière première, tout en réduisant l’infrastructure des installations classiques ou en limitant la pollution liée à l’ajout de tiers corps volatils et aux effluents liquides.
Issu de la collaboration de trois laboratoires français reconnus pour leurs compétences complémentaires dans ce domaine, cet article présente la pervaporation de façon transversale en traitant d’aspects multidisciplinaires variés. Les principes généraux de la pervaporation et les différents matériaux utilisés pour l’élaboration des membranes sont tout d’abord décrits avec les principales séparations industrielles concernées. Les procédés correspondants, leur simulation/optimisation et leur analyse technico-économique sont ensuite abordés en montrant tout le potentiel de la pervaporation pour relever des défis majeurs en lien avec les économies d’énergie et le développement durable. Le fort regain d’intérêt suscité par la pervaporation ces dernières années conduit à de nouvelles perspectives qui sont développées dans la dernière partie de l’article, notamment pour les domaines très importants de la pétrochimie et des biotechnologies.
Comme il est d'usage dans la profession, les pourcentages indiqués sont, sauf précision contraire, massiques.