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De nouvelles initiatives pour améliorer et décarboner le dessalement de l’eau de mer

Posté le 15 janvier 2024
par Nicolas LOUIS
dans Innovations sectorielles

L'osmose inverse et la distillation sont les deux principaux procédés utilisés dans le monde pour dessaler l'eau de mer. Ils font l'objet de critiques en raison de leur forte consommation d'énergie. Plusieurs projets sont en cours de développement afin d'améliorer et/ou décarboner ces deux procédés.

Dans un contexte de changement climatique où la ressource en eau douce se raréfie, le dessalement de l’eau de mer apparaît de plus en plus comme une solution de premier plan. La majorité des pays du Golfe dépend aujourd’hui en grande partie de l’eau dessalée pour la consommation de leurs habitants et la construction de nouvelles usines de dessalement se multiplie aux quatre coins de la planète. La ressource en eau de mer paraît inépuisable puisqu’elle recouvre les trois-quarts de la surface de notre planète. Malgré tout, le dessalement fait l’objet de critiques en raison de sa forte consommation d’énergie. Plusieurs technologies sont en cours de développement afin d’améliorer et/ou décarboner les deux principaux procédés utilisés dans le monde.

Celui le plus employé s’appelle l’osmose inverse. Il consiste à appliquer à l’eau salée une pression suffisante pour la faire passer à travers une membrane semi-perméable pour que seules les molécules d’eau la traversent et ainsi produire une eau douce. Des travaux de recherche tentent d’améliorer ce dispositif en ajoutant par exemple des réactifs à ces membranes, composées de matrices en polymères, dans le but d’améliorer leur perméabilité. Sauf que cela conduit généralement à une dégradation de leur sélectivité. En clair, elles laissent s’échapper une partie du chlorure de sodium.

À Montpellier, l’Institut Européen des Membranes (IEM) a peut-être trouvé une solution en développant une membrane biomimétique. Elle s’inspire directement d’une protéine présente dans le règne du vivant, appelée aquaporine, et qui possède un pore perméable uniquement aux molécules d’eau. « En imitant cette protéine, nous avons créé des canaux artificiels d’eau que nous greffons aux membranes en polymères utilisées par les industriels, explique Mihail Barboiu, directeur de recherche au CNRS. Nous créons ainsi une membrane hybride qui permet d’augmenter la perméabilité de l’osmose inverse d’un facteur 3 à 6, tout en conservant sa sélectivité. Notre procédé peut être utilisé pour réduire la pression nécessaire et donc l’énergie nécessaire pour faire passer l’eau à travers la membrane. Il est aussi possible d’utiliser la même pression pour produire plus d’eau douce et ainsi répondre à une plus forte demande. »

Ce procédé a été validé en laboratoire sur des pilotes industriels. En parallèle, une machine pilote a été développée pour fabriquer de grandes surfaces de membranes hybrides, jusqu’à une cinquantaine de m² par jour. Les scientifiques sont actuellement à la recherche de groupes industriels pour tester leur innovation à grande échelle.

Dessaler l’eau de mer en exploitant des énergies renouvelables

En matière d’osmose inverse, l’entreprise canadienne Oneka a mis au point une technologie pour exploiter ce procédé en utilisant uniquement l’énergie des vagues. Le dispositif repose sur des bouées attachées à des ancres posées sur le fond de l’océan. Le mouvement oscillant des vagues est exploité pour actionner le système. Lorsque la bouée descend dans le creux d’une vague, l’eau de mer est aspirée par une crépine puis filtrée. Et lorsqu’elle remonte, l’eau de mer est mise sous pression dans une pompe, puis passe par un système d’optimisation de la pression et du débit avant d’être pompée vers des membranes d’osmose inverse.

Plusieurs types de bouées sont commercialisés par cette société et ceux ayant la plus grande capacité peuvent produire 50 m3 par jour. Même s’il est possible d’installer plusieurs bouées pour alimenter un même site, cette technologie est principalement destinée à répondre à des besoins locaux. À titre de comparaison, les capacités de dessalement de l’Arabie Saoudite sont estimées à plus de 5 millions de m3 par jour. Toujours en matière d’osmose inverse, et cette fois-ci en France, l’entreprise Osmosun a développé une solution pour mettre en œuvre cette technologie en exploitant l’énergie solaire. Le projet Kori Odyssey a pour ambition de rendre accessible ce procédé afin d’améliorer les conditions d’accès à l’eau potable des populations isolées dans les îles du Pacifique.

La distillation, également appelée traitement thermique, est le second procédé le plus utilisé dans le monde. Il consiste à évaporer l’eau de mer pour que seules les molécules d’eau s’échappent, tandis que les sels dissous et toutes les autres substances contenues dans l’eau de mer restent en dépôt. Pour obtenir une eau douce consommable, il suffit ensuite de condenser la vapeur d’eau. Selon une étude de l’Ifri (Institut français des relations internationales), ce procédé est plus gourmand en énergie, car il faut compter plus de 7 kWh (kilowatt-heure) pour dessaler un m3 d’eau, contre en moyenne entre 2,5 et 3 kWh pour l’osmose inverse.

Basée aux Émirats arabes unis, la société Manhat a développé une technologie pour entièrement décarboner ce procédé. Pour cela, elle a fabriqué un distillateur alimenté par l’énergie solaire et qui fonctionne grâce à une serre qui flotte à la surface de l’océan. Le principe est simple : le soleil a pour effet de chauffer et évaporer l’eau sous la serre, ce qui permet de séparer les cristaux de sel, qui sont ensuite rejetés dans la mer. Quand les températures se refroidissent, l’eau se condense en eau douce puis est recueillie. L’entreprise annonce être parvenue à une maturité technologique de 6 sur l’échelle TRL (Technology readiness level) qui en compte 9. Cette technologie est destinée à alimenter en eau des fermes végétales flottantes installées sur les zones côtières des Émirats arabes unis.


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