En ce moment

Et si le prochain concurrent d’Airbus et de Boeing venait de Chine ?

Posté le 18 juillet 2025
par Nicolas LOUIS
dans Entreprises et marchés

Dans un ciel dominé par Airbus et Boeing, la Chine tente de se faire une place grâce au C919 de Comac. Soutenu par Pékin et porté par un marché intérieur gigantesque, le constructeur chinois rêve de souveraineté aéronautique, mais l’accès aux marchés occidentaux reste pour l'heure verrouillé, faute de certifications.

Il devait être l’une des attractions du 55e salon du Bourget, aux côtés notamment du Rafale et des petits aéronefs électriques et hybrides. Mais le C919, l’avion vedette du constructeur aéronautique chinois Comac, n’a finalement pas pris part à l’un des rendez-vous aéronautiques les plus importants de l’année. En cause : l’absence de certification européenne et le refus d’une dérogation spéciale, pourtant envisagée, pour permettre à l’appareil chinois de survoler le territoire européen. Cette absence soulève une question essentielle : Comac est-il en mesure de s’imposer face aux deux géants de l’aviation mondiale, Airbus et Boeing ? Et surtout, dans quels délais ?

L’entreprise, fondée en 2008 et soutenue par Pékin, a été conçue pour devenir le bras armé de l’indépendance technologique chinoise dans l’aéronautique. Avec le C919, un monocouloir pouvant transporter environ 170 passagers et destiné à concurrencer l’A320 d’Airbus et le 737 de Boeing, la Chine affiche clairement ses ambitions : percer un marché mondial nettement dominé par le duopole occidental.

Le C919 a effectué son premier vol commercial en mai 2023, opéré par la compagnie China Eastern Airlines. En apparence, l’avion coche toutes les cases avec un design moderne, une autonomie de 5 500 km, des moteurs LEAP-1C fournis par CFM International, une coentreprise entre Safran et GE Aerospace. Mais derrière cette façade se cache une réalité plus nuancée : Comac dépend encore massivement de fournisseurs étrangers, principalement occidentaux, tant pour les moteurs que pour les systèmes critiques de son aéronef. Cette dépendance technologique limite aujourd’hui la compétitivité du C919 à l’international, d’autant plus dans un contexte de tensions géopolitiques et de restrictions américaines sur les exportations.

Entre 3 et 6 ans pour obtenir la certification européenne

L’incapacité du C919 à se poser au Bourget souligne l’un des freins majeurs à l’expansion mondiale de Comac : l’absence de certification par les régulateurs occidentaux, en particulier l’EASA (European Union Aviation Safety Agency) en Europe et la FAA (Federal Aviation Administration) aux États-Unis. Sans ce sésame, l’avion est privé de deux principaux marchés. Le constructeur chinois devra encore patienter, car obtenir ces certifications est un processus long, coûteux et exigeant. Selon l’Usine nouvelle, le C919 pourrait ne pas obtenir l’homologation européenne avant 3 à 6 ans. Quant aux États-Unis, Pékin n’a même pas tenté la certification.

D’ici là, l’appareil devra continuer à faire ses preuves, principalement sur son marché domestique.

La Chine dispose cependant d’un avantage considérable grâce à son marché aérien en pleine expansion. Avec 1,4 milliard d’habitants et une classe moyenne en croissance rapide, le pays devrait devenir le premier marché mondial d’ici à 2043, selon des projections de Boeing et Airbus. Ce contexte offre à Comac une base solide pour déployer ses appareils.

À court terme, Comac ne représente pas une menace directe pour le duopole, mais à moyen terme, notamment vers 2035, certains experts estiment que l’avionneur chinois pourrait capter jusqu’à 10 % du marché mondial des monocouloirs, en particulier dans les pays en développement ou ceux cherchant à s’émanciper de l’influence occidentale. Pour espérer vraiment rivaliser avec Airbus et Boeing, Comac devra franchir plusieurs étapes cruciales. Tout d’abord, passer à l’échelle industrielle en étant capable de produire en série, de livrer dans les délais et d’assurer une maintenance à grande échelle. Ensuite, bâtir un réseau mondial d’après-vente, de formation, de pièces détachées, soit autant d’éléments essentiels à la confiance des compagnies aériennes.

Pour l’heure, seulement 20 appareils C919 ont été livrés au total. Et même si plus de 1 000 aéronefs ont été commandés, principalement par des compagnies chinoises, la majorité ne sont pas encore des commandes fermes. À l’image des constructeurs chinois de voitures électriques, qui hier étaient moqués et sont aujourd’hui à la pointe de l’innovation, Comac pourrait connaître une trajectoire similaire dans l’aéronautique. Porté par un immense marché intérieur, un soutien étatique massif et une montée rapide en compétence industrielle, le groupe chinois pourrait bouleverser l’équilibre mondial. L’histoire récente de l’automobile prouve que ce scénario est crédible.


Pour aller plus loin