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Freinage et émission de particules fines : un enjeu sanitaire majeur et sous-estimé

Posté le 18 novembre 2025
par Arnaud Moign
dans Énergie

Les deux principales promesses de la mobilité électrique sont la décarbonation du transport et la réduction de la pollution atmosphérique, du fait de l’absence de gaz d’échappement. Néanmoins, cette baisse ne doit pas occulter une autre source de pollution majeure trop longtemps ignorée : les émissions hors échappement. Si l’arrivée de la norme Euro 7, en 2026, devrait améliorer les choses, les émissions de particules liées au freinage risquent malheureusement de passer sous le radar de la réglementation, du fait de leur taille.

Dans son rapport de 2022 sur la qualité de l’air, l’Agence européenne pour l’environnement déclarait que « l’exposition à des concentrations de particules fines supérieures au niveau de référence fixé par l’Organisation mondiale de la santé a entraîné, en 2021, 238 000 décès prématurés dans l’UE. »

Or, selon les chiffres officiels, en France, le transport routier reste le mode de transport le plus émetteur de polluants dans l’air[1] :

Les émissions hors échappement : de quoi s’agit-il ?

Si la généralisation progressive des filtres à particules (FAP) depuis la norme Euro 5 (2011) a considérablement réduit la pollution atmosphérique du transport routier, force est de constater qu’elle n’a pas réduit les émissions de cuivre et de zinc. Sur la courbe ci-dessous, la décorrélation est d’ailleurs flagrante !

Depuis 2014, la pollution atmosphérique du transport routier est en diminution, mais les émissions de cuivre et de zinc restent relativement stables.

Mais alors d’où vient cette pollution atmosphérique ? On sait qu’aujourd’hui, au moins 80 % des émissions de particules des voitures sont dues à l’usure des pneus, des freins, des revêtements routiers et également de la remise en suspension de la poussière. Et on sait aussi que les plaquettes de frein contiennent des métaux, notamment du cuivre et du zinc, et que l’oxyde de zinc est un agent de vulcanisation essentiel à la fabrication des pneumatiques.

La norme Euro 7 : un problème de taille !

Comme nous le disions en préambule, à partir de 2026, ces émissions hors échappement seront, en théorie, prises en compte par la future norme Euro 7, contrairement aux précédentes normes Euro qui ciblaient uniquement les gaz d’échappement.

Elle fixera notamment des limites d’émissions de particules fines (PM10) issues du freinage et des restrictions sur l’abrasion des pneus. Malheureusement, cette norme est imparfaite, car les limites d’émissions ciblent justement les particules de diamètre inférieur à 10 µm.

Or, des études ont démontré que la taille des particules issues du freinage est en réalité bien inférieure. Dans sa note d’avril 2022 dédiée aux particules hors échappement (PHE), l’ADEME nous apprend ainsi que cette taille varie plutôt entre 10 nm et 2 µm.

Bien que les études toxicologiques et épidémiologiques soient encore trop peu nombreuses pour donner une vision claire des risques sanitaires engendrés par ces PHE (notamment en termes de concentrations), le danger de respirer des particules tellement fines qu’elles sont capables d’atteindre les alvéoles pulmonaires ne fait aucun doute.

Un défi pour les fabricants de freins

Malgré ses défauts, la norme Euro 7 va néanmoins pousser les fabricants et constructeurs à innover afin de réduire les émissions de particules liées au freinage. Trois stratégies peuvent ainsi être mises en place :

Par ailleurs, si les technologies de freinage régénératif utilisées en mobilité électrique permettent de réduire ces émissions de particules, la masse plus importante des véhicules semble augmenter les émissions de particules provenant de l’abrasion des pneus et de la chaussée.

Après le freinage, reste le problème de l’usure des pneumatiques

Malheureusement, les émissions de particules liées au freinage ne sont que la partie émergée de l’iceberg de la pollution automobile. Car pour ce qui est des volumes d’émissions (tous milieux confondus), l’usure des pneus est de loin bien plus polluante.

En effet, selon une étude d’Emissions Analytics, une berline familiale émettrait environ 5,8 grammes de particules par kilomètre à cause de l’usure des pneus : c’est 1 000 fois plus que les limites d’émission des gaz d’échappement !

Et si une partie de ces particules se retrouve dans l’air, la majorité finit en réalité sa vie au fond des océans. D’après une étude[2] de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les pneus représenteraient ainsi la deuxième source de microparticules primaires de plastique, le lavage des textiles synthétiques occupant la première place.

Des solutions pour réduire cette pollution, mais pas de miracle !

Même si des solutions technologiques existent pour réduire ces émissions de particules liées à l’usure, il est néanmoins clair qu’il est urgent de revoir nos pratiques de transport. Dans sa note de 2022, l’ADEME propose ainsi des actions en totale synergie avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 :

[1] Chiffres clés des transports – mars 2025. Chiffres de 2023.

[2] Microplastiques primaires dans les océans, IUCN 2017 et Sources of microplastics relevant to marine protection in Germany, UBA, Report N°(UBA-FB) 002147/E, 2015

 


Pour aller plus loin