Dans son rapport de 2022 sur la qualité de l’air, l’Agence européenne pour l’environnement déclarait que « l’exposition à des concentrations de particules fines supérieures au niveau de référence fixé par l’Organisation mondiale de la santé a entraîné, en 2021, 238 000 décès prématurés dans l’UE. »
Or, selon les chiffres officiels, en France, le transport routier reste le mode de transport le plus émetteur de polluants dans l’air[1] :
- 76 % des émissions de cuivre, tous secteurs confondus ;
- 55 % des émissions de zinc ;
- 8 % des particules de diamètre inférieur à 2,5 µm (PM2,5).
Les émissions hors échappement : de quoi s’agit-il ?
Si la généralisation progressive des filtres à particules (FAP) depuis la norme Euro 5 (2011) a considérablement réduit la pollution atmosphérique du transport routier, force est de constater qu’elle n’a pas réduit les émissions de cuivre et de zinc. Sur la courbe ci-dessous, la décorrélation est d’ailleurs flagrante !
Mais alors d’où vient cette pollution atmosphérique ? On sait qu’aujourd’hui, au moins 80 % des émissions de particules des voitures sont dues à l’usure des pneus, des freins, des revêtements routiers et également de la remise en suspension de la poussière. Et on sait aussi que les plaquettes de frein contiennent des métaux, notamment du cuivre et du zinc, et que l’oxyde de zinc est un agent de vulcanisation essentiel à la fabrication des pneumatiques.
La norme Euro 7 : un problème de taille !
Comme nous le disions en préambule, à partir de 2026, ces émissions hors échappement seront, en théorie, prises en compte par la future norme Euro 7, contrairement aux précédentes normes Euro qui ciblaient uniquement les gaz d’échappement.
Elle fixera notamment des limites d’émissions de particules fines (PM10) issues du freinage et des restrictions sur l’abrasion des pneus. Malheureusement, cette norme est imparfaite, car les limites d’émissions ciblent justement les particules de diamètre inférieur à 10 µm.
Or, des études ont démontré que la taille des particules issues du freinage est en réalité bien inférieure. Dans sa note d’avril 2022 dédiée aux particules hors échappement (PHE), l’ADEME nous apprend ainsi que cette taille varie plutôt entre 10 nm et 2 µm.
Bien que les études toxicologiques et épidémiologiques soient encore trop peu nombreuses pour donner une vision claire des risques sanitaires engendrés par ces PHE (notamment en termes de concentrations), le danger de respirer des particules tellement fines qu’elles sont capables d’atteindre les alvéoles pulmonaires ne fait aucun doute.
Un défi pour les fabricants de freins
Malgré ses défauts, la norme Euro 7 va néanmoins pousser les fabricants et constructeurs à innover afin de réduire les émissions de particules liées au freinage. Trois stratégies peuvent ainsi être mises en place :
- modifier les matériaux des plaquettes et disques ;
- installer des filtres à particules, à la source, autour des disques de frein ;
- développer de nouvelles technologies de freinage.
Par ailleurs, si les technologies de freinage régénératif utilisées en mobilité électrique permettent de réduire ces émissions de particules, la masse plus importante des véhicules semble augmenter les émissions de particules provenant de l’abrasion des pneus et de la chaussée.
Après le freinage, reste le problème de l’usure des pneumatiques
Malheureusement, les émissions de particules liées au freinage ne sont que la partie émergée de l’iceberg de la pollution automobile. Car pour ce qui est des volumes d’émissions (tous milieux confondus), l’usure des pneus est de loin bien plus polluante.
En effet, selon une étude d’Emissions Analytics, une berline familiale émettrait environ 5,8 grammes de particules par kilomètre à cause de l’usure des pneus : c’est 1 000 fois plus que les limites d’émission des gaz d’échappement !
Et si une partie de ces particules se retrouve dans l’air, la majorité finit en réalité sa vie au fond des océans. D’après une étude[2] de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les pneus représenteraient ainsi la deuxième source de microparticules primaires de plastique, le lavage des textiles synthétiques occupant la première place.
Des solutions pour réduire cette pollution, mais pas de miracle !
Même si des solutions technologiques existent pour réduire ces émissions de particules liées à l’usure, il est néanmoins clair qu’il est urgent de revoir nos pratiques de transport. Dans sa note de 2022, l’ADEME propose ainsi des actions en totale synergie avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 :
- allègement des véhicules -> afin d’utiliser des pneus moins larges, donc avec moins d’usure ;
- véhicules électriques -> freinage régénératif ;
- écoconduite -> accélération et décélération moins fortes ;
- réduction des vitesses limites autorisées -> freinage moins fort ;
- baisse des déplacements en véhicule individuel -> diminution globale de la circulation ;
- privilégier les modes de transport actifs (vélo, marche) -> rupture dans les émissions de particules d’abrasion.
[1] Chiffres clés des transports – mars 2025. Chiffres de 2023.
[2] Microplastiques primaires dans les océans, IUCN 2017 et Sources of microplastics relevant to marine protection in Germany, UBA, Report N°(UBA-FB) 002147/E, 2015
Dans l'actualité
- Microplastiques dans l’eau potable : une pollution invisible aux normes actuelles
- La dépollution des VHU, une activité à risque pour les hommes et l’environnement
- Des chaussées perméables absorbant les polluants des pneus
- Les routes sous surveillance pour repérer leurs dégradations
- Euro 7 : que comprend le texte adopté par le Parlement ?
- Le cerveau humain contaminé par des particules de plastiques
- Revêtements métalliques : une limite de vitesse à ne pas dépasser lors des projections de particules
- Innovation : Un ralentisseur qui récompense le chauffeur et sanctionne le chauffard
Dans les ressources documentaires
- Émissions particulaires de l’interaction pneu-chaussée
- Toxicité pulmonaire des particules ultrafines
- Développement durable et protection contre l'usure - Une étude de la Société allemande de tribologie
- Dégradation et usure des revêtements routiers souples
- Le pneumatique au service de la transition énergétique