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Le cerveau humain contaminé par des particules de plastiques

Posté le 25 juillet 2025
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Longtemps considérée comme un bastion inviolable, des chercheurs ont identifié que des microplastiques ont franchi la barrière hémato-encéphalique pour se retrouver dans le cerveau humain. Les quantités présentes sont bien supérieures à celles détectées dans d’autres organes et cette découverte pose des questions sanitaires majeures.

Des fragments de microplastiques dans le tissu cérébral humain, parfois à des concentrations équivalentes à celle d’une cuillère à café. Cette découverte, qui marque une rupture épistémique majeure, a été révélée récemment dans une étude publiée dans Nature medicine. Ce qui relevait jusqu’ici de la spéculation ou du soupçon environnemental est désormais documenté dans Brain Medicine, une revue scientifique, qui consacre un numéro spécial à cette nouvelle réalité biologique. Alors qu’elle a longtemps été perçue comme un rempart inviolable entre le corps et le cerveau, la barrière hémato-encéphalique a cette fois-ci été franchie.

Selon les scientifiques, le cerveau contiendrait entre 7 et 30 fois plus de microplastiques que d’autres organes comme le foie ou les reins. Les particules retrouvées mesurent moins de 200 nanomètres, et sont principalement composées de polyéthylène, un plastique couramment utilisé dans les emballages. Plus frappant encore, ces quantités dans le cerveau ont augmenté de 50 % entre 2016 et 2024, en parallèle de la montée en flèche de la pollution plastique mondiale, estimée entre 10 à 40 millions de tonnes déversées chaque année, et dont le volume devrait doubler d’ici à 2040.

Pire encore, chez les personnes atteintes de démence, les niveaux cérébraux de MNP sont trois à cinq fois plus élevés, avec une concentration notable dans les parois des vaisseaux cérébraux et les cellules immunitaires. Ce qui posent de redoutables questions : ces particules franchissent-elles la barrière hémato-encéphalique fragilisée par la maladie ? Ou, inversement, leur présence précède-t-elle l’inflammation cérébrale et la dégradation neuronale ? Si les études animales montrent un effet délétère des nanoplastiques sur la mémoire et l’apprentissage, les mécanismes à l’œuvre chez l’humain restent à explorer.

Présents dans l’eau, l’air et les aliments, les microplastiques sont désormais inévitables. L’exposition humaine se fait principalement par ingestion et par inhalation, mais leurs effets restent largement méconnus. Les données issues d’études animales et de cultures cellulaires pointent vers des mécanismes toxiques tels que de l’inflammation, du stress oxydatif, des perturbations immunitaires ou hormonales, voire de la cancérogénicité. Des liens ont aussi été relevés entre la présence de MNP et des risques accrus d’accidents cardiovasculaires, de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou de troubles cognitifs.

L’eau en bouteille est beaucoup plus contaminée que celle du robinet

Face à cette menace diffuse, l’élimination totale des microplastiques semble illusoire. Mais certaines mesures simples permettent de réduire significativement l’exposition. L’eau en bouteille, par exemple, serait responsable de l’ingestion de 90 000 particules par an, contre seulement 4 000 pour l’eau du robinet. Chauffer des aliments dans des contenants en plastique au micro-ondes libère également jusqu’à 2 milliards de particules par centimètre carré en trois minutes. Mieux vaut donc opter pour le verre ou l’inox.

Autre vecteur : les sachets de thé en plastique, qui relâchent des milliards de particules à chaque infusion. Souvent manipulés ou emballés dans du plastique, les aliments ultra-transformés sont aussi fortement contaminés, tandis qu’un blanc de poulet contient également 30 fois moins de MNP qu’un nugget. La transition vers une alimentation moins transformée, stockée dans des contenants sains, serait donc doublement bénéfique pour la santé physique et mentale.

Peut-on éliminer ces particules une fois ingérées ? Les rares études sur le sujet suggèrent que la sueur pourrait évacuer certains composés, comme le bisphénol A (BPA), un perturbateur endocrinien associé aux plastiques. Le BPA a été retrouvé dans la sueur de 16 participants sur 20 dans une étude récente. Mais aucune recherche ne confirme encore que l’activité physique ou la transpiration réduisent significativement la charge en microplastiques.

Les scientifiques estiment toutefois que l’organisme possède des capacités d’élimination, notamment via les selles et l’urine. Chez les poissons, une étude démontre que 75 % des microplastiques cérébraux sont éliminés en 70 jours si l’exposition cesse. Cela suggère que des mesures durables de réduction de l’absorption pourraient porter leurs fruits chez l’humain, à condition de maintenir ces efforts sur le long terme.


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