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Le dernier rapport du GIEC prévoit une hausse des températures de 1,5 degré dès 2030

Posté le 13 août 2021
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) vient de faire paraître son sixième rapport d'évaluation sur le climat. Entretien avec François Dulac, chercheur au CEA au sein du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.

Le GIEC a publié le premier volet de son sixième rapport d’évaluation sur le climat. Les scientifiques ont réalisé une synthèse de l’état des connaissances à partir d’un peu plus de 14 000 publications scientifiques. Ils dressent un constat implacable des bouleversements climatiques provoqués par l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et liée à l’activité humaine. François Dulac, chercheur au CEA au sein du LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement) décrypte pour Techniques de l’Ingénieur les points marquants de ce rapport.

Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les principales conclusions de ce rapport ?

François Dulac – Crédit photo François Dulac

François Dulac : Ce rapport vient renforcer les conclusions des précédents rapports sur l’avancée du changement climatique. Il confirme que le réchauffement climatique observé, qui a atteint 1,1°C par rapport au début de l’ère préindustrielle (deuxième moitié du 19ème siècle), est bien dû aux activités humaines. Chaque incrément de réchauffement provoque une hausse disproportionnée des impacts, en particulier une augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes (canicules, pluies diluviennes, sécheresses…) ainsi que leur intensification.

Ce rapport révèle également que le réchauffement observé n’a pas d’équivalent depuis au moins 2 000 ans, et qu’un certain nombre de phénomènes déjà en route sont irréversibles comme la fonte des glaces, la hausse du niveau de la mer et l’acidification du milieu marin, et ce même si on diminue drastiquement les émissions de gaz à effet de serre pour contenir le réchauffement. Ces phénomènes sont enclenchés et vont se poursuivre sur des siècles, voire au-delà du millénaire.

Les auteurs du rapport ont aussi affiné la « sensibilité climatique », c’est-à-dire l’importance du réchauffement face au doublement de la concentration en CO2 dans l’atmosphère, un niveau qui pourrait être atteint avant la fin du siècle. C’est en effet la tendance sur laquelle nous sommes depuis le début du siècle. Ce doublement conduirait à une augmentation de la température moyenne de 3 degrés (avec une fourchette d’incertitude comprise entre 2,5 et 4°C).

Le rapport montre aussi que l’élévation de la température moyenne à la surface de la terre s’accompagne d’augmentations beaucoup plus fortes des maximas de température, et présente de fortes disparités régionales, avec un réchauffement très accentué sur les continents.

L’objectif ambitieux fixé par la COP21 et l’accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 degré ne pourra donc pas être tenu ?

Cette hausse sera vraisemblablement atteinte d’ici 2030, et ce même si les émissions étaient dès à présent drastiquement orientées à la baisse. Ce qui se passera après cette date dépendra de notre capacité à limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années et en particulier le CO2, le principal gaz responsable du réchauffement. Le GIEC a examiné cinq scénarios d’émissions différents. Le plus optimiste se base sur une limitation drastique des émissions afin d’atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050. Dans ce cas de figure, les experts prévoient que le réchauffement va rapidement dépasser 1,5 degré, mais devrait ensuite se stabiliser voire revenir à une valeur très légèrement inférieure à la fin du siècle.

Dans le scénario le plus pessimiste, le GIEC a fait des modélisations en projetant cette fois-ci un doublement des émissions de CO2 à l’horizon 2050. Cette hypothèse est loin d’être improbable. Dans ce cas, le réchauffement devrait être supérieur à 4 degrés à la fin du siècle (4,4°C, avec une fourchette d’incertitude de 3,3 à 5,7°C), impliquant un bouleversement climatique.

Quels sont les autres éléments nouveaux du rapport ?

Grâce à l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs, les scientifiques ont pu augmenter la résolution de leurs modèles et multiplier les simulations pour déterminer les impacts du réchauffement à l’échelle régionale. Les régions continentales et insulaires (hors Antarctique) ont ainsi été découpées en 45 régions, et les experts affirment que les records de chaleur et l’augmentation de fréquence des extrêmes chauds que l’on observe ces dernières années dans plus d’une quarantaine de ces régions s’expliquent par le réchauffement climatique.

Enfin, pour la première fois, le rapport est accompagné d’un atlas interactif permettant de visualiser les impacts régionaux attendus au cours du 21ème siècle en termes de chaleur, de pluie, de neige, de sécheresses agricoles, et de niveau de la mer, et ceci en fonction du niveau de réchauffement de 1,5,  2, 3 ou 4°C atteint.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique en France ?

En France et en Europe centrale, on observe une augmentation des vagues de chaleur qui s’explique très certainement par l’augmentation des concentrations en gaz à effet de serre, car elle a considérablement augmenté leur probabilité d’occurrence. Météo France a fait beaucoup de travaux sur les relevés météorologiques en France. Avant 1989, les vagues de chaleur se limitaient à moins de 2 jours par an en moyenne ; elles se produisent presque 8 jours par an depuis 2000, et même 9,4 jours par an dans la dernière décennie.

Sur le bassin et le pourtour méditerranéen, en plus des records de chaleur, on observe une intensification des précipitations extrêmes liées au réchauffement de la mer qui provoque une augmentation de l’évaporation. À l’autonome, les systèmes nuageux se retrouvent bloqués par les chaînes montagneuses du sud de la France et déversent donc davantage d’eau qu’auparavant. Le climat méditerranéen s’est déjà propagé d’au moins 100 km voire 150 km vers le nord et le nord-ouest depuis une quarantaine d’années, et ce phénomène va visiblement se poursuivre.

Le recul de l’enneigement en France semble également net, il s’accélère et va se poursuivre. La neige va tomber de moins en moins souvent, à plus haute altitude, et on observera une fonte généralisée des surfaces glaciaires d’altitude.

Les massifs forestiers seront de plus en plus exposés aux risques d’incendie. Face aux sécheresses accumulées, dues au manque de précipitations et à l’évaporation plus importante des sols car ils se réchauffent, un certain nombre d’espèces d’arbres meurent dans tous nos massifs forestiers, ce qui les expose davantage aux départs de feu.

Pour quelle raison ce rapport fait-il davantage mention du méthane ?

C’est le deuxième gaz à effet de serre après le CO2. Sa concentration dans l’atmosphère est beaucoup plus faible et il a un temps de résidence plus court mais par contre il se révèle bien plus réchauffant que le CO2 à quantité égale.

Les auteurs en parlent beaucoup car il joue aussi un rôle important dans la chimie atmosphérique. Ses émissions ont contribué à l’augmentation de la pollution par l’ozone, qui est aussi un gaz à effet de serre. Pour la première fois, les scénarios socio-économiques traitent de façon cohérente à la fois les émissions des gaz à effet de serre et des polluants responsables de la qualité de l’air que nous respirons. Les particules de pollution sont bénéfiques pour le climat car elles limitent l’effet de serre, mais elles ont des effets très négatifs sur la santé humaine. Les experts ont considéré qu’il est vraisemblable que les gouvernements vont continuer à prendre des mesures pour diminuer la pollution particulaire. Du coup, sa capacité à atténuer l’effet de serre va diminuer. Réduire les émissions de méthane permettrait de compenser cet effet.


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