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Le véhicule électrique à l’aune du CO2

Posté le 28 mars 2019
par Joël Spaes
dans Environnement

Le véhicule électrique est appelé à la rescousse afin de réduire drastiquement les émissions de CO2 du transport. Mais quid de l’innocuité carbone de ce mode de transport ? C’est ce qu’a tenté de définir l’Observatoire de l’industrie électrique (OIE) dans un récent opus.

La mobilité effrénée est la principale source des rejets carbonés dans l’Union européenne. Face au poids du transport dans l’impact environnemental, tant en matière de CO2 que de pollution aux particules, dès 2009, l’Union européenne a mis en place une réglementation : des règles pour lutter contre les effets nocifs des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers, fondées sur les émissions « au pot d’échappement » (également appelées émissions « du réservoir à la roue »).

La dernière révision de cette réglementation a ouvert la porte à la prise en compte des émissions des véhicules sur des périmètres plus complets, dont les contours seront à définir par la Commission européenne en 2023, explique l’OIE, émanation de l’Union française de l’électricité.

Réglementation et réalité

En 2017, les émissions moyennes de CO2 par kilomètre parcouru des véhicules mis en circulation en Europe ont augmenté de 0,4 gCO2/km par rapport à 2016 et atteignaient alors 118,5 gCO2/km2, loin des 95 gCO2/km, l’objectif fixé par la réglementation européenne à l’horizon 2021, constate l’OIE. Pour poursuivre et accélérer le recul des rejets carbonés des véhicules neufs, l’Europe a fixé un nouveau cap à l’horizon 2030 : une baisse de 37,5 % des émissions des voitures neuves par rapport aux objectifs 2021, soit des rejets moyens de CO2 d’environ 59 gCO2/km.

Comparer ce qui est comparable

Pour l’heure, « pour un segment donné, les véhicules à motorisation essence émettent plus de CO2 qu’un véhicule à motorisation diesel, alors que les véhicules électriques et les véhicules à pile à combustible n’émettent pas de CO2 à l’usage », rappelle l’OIE.

Ainsi, le moteur électrique n’émet pas de CO2 « du réservoir à la roue », mais pour « la production d’électricité au réservoir », rien n’est moins certain. D’où la nécessité de bien prendre en compte l’impact de la montée en puissance des véhicules électriques (VE) en termes d’émissions de CO2.

Ainsi, l’OIE juge qu’« une évolution progressive des analyses des émissions de CO2 “du réservoir à la roue” vers des analyses “du berceau à la tombe” , c’est-à-dire sur l’ensemble du cycle de vie, s’impose mais reste complexe à mettre en œuvre en pratique dans les réglementations. Néanmoins, le résultat de ces comparaisons entre motorisations s’avère être déterminant pour définir les technologies garantes d’une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre et d’atteinte de la neutralité carbone à horizon 2050 ».

Dans une première approche, les analyses du « puits à la roue » (« well to wheel ») permettent de prendre en compte, pour tous les types de motorisations, les émissions de CO liées à la production de l’énergie utilisée dans la production des carburants, explique la note de l’observatoire. Ainsi, pour un VE, une telle approche permet d’intégrer l’empreinte carbone de la production d’électricité, soit par exemple en France 57 gCO2/kWh (chiffre Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ADEME). Cette même approche invite à prendre en compte, pour un véhicule hydrogène, le mode de production de l’hydrogène. Pour les véhicules thermiques cela permet de s’apercevoir qu’une voiture au GNV (gaz naturel pour véhicules) émet environ 7% de moins de CO2 qu’une voiture diesel et 25% de moins qu’un véhicule essence.

Au final, pour apprécier l’ensemble des émissions de CO2 d’un véhicule, il convient de prendre en compte l’ensemble de l’analyse du cycle de vie, encore dénommé « cradle to grave ». Celle-ci prend en compte la fabrication du véhicule et de ses composants, la production et le transport de l’énergie, l’utilisation du véhicule et la fin de vie du véhicule. Un tel périmètre fait par exemple ressortir que la production des batteries des véhicules électriques (qui constitue une phase particulièrement énergivore), majoritairement réalisée aujourd’hui en Asie, augmente sérieusement le bilan carbone du VE, dans la mesure où la réponse à la demande asiatique en énergie repose principalement sur les fossiles.

Les différents périmètres possibles pour une réglementation sont ainsi résumés en trois grandes catégories : « du berceau à la tombe », « au pot d’échappement » et « du puits à la roue ».

Le VE gagnant sur tous les plans

Plusieurs études en analyse du cycle de vie ont d’ores et déjà été réalisée. La Fondation Nicolas Hulot (FNH) associée à l’European Climate Foundation (ECF) a étudié l’impact des citadines et berlines ; l’ADEME et l’IPFEN (IFP Energies nouvelles) y ont inclus les véhicules utilitaires légers et les bus et poids lourds. Enfin, Carbone4 a pris en compte la majeure partie des véhicules particuliers. Bilan, ces études montrent que le VE l’emporte sur toute la ligne. Pour l’étude FNH/ECF, l’écart d‘émissions de CO2 constaté avec les véhicules thermiques est en faveur du VE de l’ordre de 2,2 à 3,2 fois. Le document ADEME/IFPEN juge que l’écart d’émissions par rapport à la version thermique est d’environ de 2 à 6 fois moindre que la version électrique. Enfin l’étude de Carbone 4 trouve un écart de 2,6 à 4 fois moins en faveur du VE, en termes de rejets carbonés.


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