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Matthieu Deboeuf-Rouchon : « la tech devient plus humble en répondant aux besoins du quotidien »

Posté le 3 juin 2025
par Philippe RICHARD
dans Innovations sectorielles

Miroir de la tech, VivaTech est considéré comme le plus grand événement européen dédié aux startups et à la technologie. Du 11 au 14 juin, Porte de Versailles à Paris, ce salon accueillera 14 000 startups, 3 000 investisseurs et les délégations de 160 pays. Quelles seront les tendances fortes ? Nous faisons le point avec Matthieu Deboeuf-Rouchon, Responsable du CoE (Centre d’Excellence Opérationnel) Innovation chez Capgemini Engineering en France.
© Capgemini

Matthieu Deboeuf-Rouchon est un expert reconnu des sujets autour de l’innovation et de la transformation digitale. En 2008 il fonde son cabinet de conseil en Transformation Digitale et Innovation. En 2017 il rejoint les équipes de Capgemini Engineering. Il est co-auteur du « Guide de Survie du Consumer Electronics Show : comment organiser, vivre & optimiser sa visite du plus grand salon mondial de la Tech ! ». Il est aussi membre du jury du CES Innovation Awards 2024. Passionné par l’impact des technologies sur la Société, les Entreprises et les Êtres humains, il co-anime le podcast Innovation & Prospective Talk.

Techniques de l’Ingénieur : L’édition 2025 mettra en avant plusieurs thèmes clés : IA, santé, Cybersécurité… Quel thème sera le plus abordé, selon vous ?

Matthieu Deboeuf-Rouchon : comme sur d’autres salons et conférences, ce sera encore l’IA. En revanche, ce qui change, c’est moins l’IA pour la révolution que l’IA pour l’action. La preuve, 85 % des entreprises annoncent vouloir augmenter leur budget autour de l’intelligence artificielle. Il s’agit d’une accélération forte du passage du champ des possibles au champ des probables et des souhaitables : l’efficience opérationnelle, l’automatisation, d’apporter plus rapidement de solutions sur les prises de décisions, la désinformation… Concernant cette problématique, nous allons présenter une démonstration sur les deepfakes.

L’IA rejoint une autre thématique forte de ce salon, la cybersécurité.

En effet, l’IA s’intègre maintenant dans les solutions de cybersécurité et de détection des fraudes. L’IA favorise la détection proactive et donc les réponses aux incidents cyber. Mais d’un autre côté, l’essor de l’IA engendre aussi des risques. Nous avons évoqué les deepfakes. Il y a aussi la problématique de la souveraineté des données et des impacts sur la vie privée.

La mobilité reste aussi une thématique forte de cette édition

Ce n’est pas tant les voitures électriques que les nouvelles formes de mobilité qui sont présentées sur ce salon. J’ai notamment repéré la start-up italienne Nex qui a développé des bus électriques modulaires. L’IA est également présente dans la mobilité en s’intégrant dans les sujets sous-jacents : l’optimisation des itinéraires, la réduction de la congestion de trafic… Ces exemples confirment que nous sommes entrés dans une tech un peu plus humble. Il s’agit de répondre aux besoins quotidiens.

Le retail est encore très présent avec le magasin du futur. Il ne s’agit pas d’un concept qui ne s’est jamais vraiment concrétisé ?

Ce n’est pas facile de réunir des mondes qui sont totalement opposés, le numérique et le physique. Le retail a subi de plein fouet, et de façon très accélérée, l’arrivée de nouveaux acteurs et un changement profond du comportement des consommateurs. On a cru qu’une tablette tactile dans une boutique, c’était de la tech. En fait, elle doit être au service de l’expérience client avec une meilleure gestion des stocks notamment et une personnalisation des conseils. Il faut replacer l’humain au cœur de l’expérience, en délaissant la visibilité de la tech.

Pour célébrer encore un peu plus l’innovation, Vivatech organise un nouveau prix : « l’Innovation of the year Award ». À qui remettriez-vous ce prix ?

Je le remettrai à Pioniq Technologies. Cette start-up parisienne travaille sur la conception de batteries à l’état solide, sans matériaux « critiques » comme le lithium ou le cobalt. Je pourrais aussi remettre ce prix à Pasqal qui développe des processeurs quantiques exploitant des atomes neutres organisés en grilles structurées – des arrays 2D/3D – sur lesquelles le processeur quantique vient « écrire » les calculs. Un pas de plus dans la simulation quantique pour modéliser la physique de matériaux, les réactions chimiques ou les molécules complexes voire impossibles à reproduire sur un supercalculateur classique. Et ce n’est qu’un exemple ! Ces deux exemples font partie des solutions qu’on ne voit pas, qui ne sont pas connues, mais qui peuvent impacter durablement à la fois le climat et l’industrie.


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