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Mousses métalliques composites : des matériaux prometteurs pour les environnements extrêmes

Posté le 17 octobre 2025
par Morgane Gillard
dans Matériaux

Des chercheurs de l’Université de l’État de Caroline du Nord ont montré qu’une mousse métallique composite en acier pouvait résister à plus d’un million de cycles de charge à 400°C et 600°C sans rupture. Une performance exceptionnelle qui ouvre la voie à des applications dans l’aéronautique, l’énergie ou le nucléaire.

Les mousses métalliques composites (CMF, pour Composite Metal Foams) suscitent l’intérêt des ingénieurs depuis plusieurs décennies. Légères, isolantes et mécaniquement robustes, elles présentent un rapport résistance/poids très supérieur à celui des métaux massifs. Cependant, leur résistance à la fatigue en condition de haute température restait mal connue.

Une équipe menée par Zubin Chacko à la NC State University vient toutefois combler cette lacune. Leur étude, publiée dans Journal of Materials Science, montre qu’une mousse métallique composite acier-acier peut supporter plus d’un million de cycles compressifs à 400 °C et 600 °C sans défaillance majeure. Ces résultats repoussent considérablement les limites de durabilité de ce type de matériaux dans des conditions thermomécaniques extrêmes.

Une architecture ingénieuse

Une mousse métallique composite combine des sphères creuses en acier inoxydable enchâssées dans une matrice métallique du même matériau (ici de l’acier 316L).

Exemple de mousse métallique composite © NC State University

Cette structure cellulaire confère au matériau sa légèreté et sa capacité à dissiper les contraintes. Les échantillons testés, obtenus par métallurgie des poudres, présentent ainsi une densité d’environ 3,3 g·cm⁻³, soit à peine 40 % de celle de l’acier massif.

Les essais de fatigue ont été réalisés en compression-compression, à température ambiante, 400 et 600 °C, dans une enceinte chauffée et sous atmosphère d’argon pour limiter l’oxydation.

Une endurance surprenante

À température ambiante, les résultats confirment le comportement classique des matériaux métalliques : la durée de vie en fatigue diminue lorsque la contrainte augmente. Certains échantillons ont néanmoins tenu jusqu’à 3,8 millions de cycles avant rupture.

Résultats des tests de fatigue à différentes températures : (a) et (b) 23°C, (c) 400°C et (d) 600°C. Chaque échantillon montre une déformation minimale © Afsaneh Rabiei, NC State University

Mais à 400 °C, les chercheurs ont observé un comportement inattendu. Un échantillon a ainsi résisté à plus de 1,37 million de cycles de charge alternant entre 6 et 60 MPa sans défaillance – un record pour ce type de matériau. À cette température, la durée de vie s’avère même supérieure à celle mesurée à 23 °C, ce qui est exceptionnel.

Les auteurs attribuent cette amélioration à un phénomène appelé « vieillissement dynamique par déformation » (Dynamic Strain Aging, DSA). Dans certaines plages de température, les atomes se diffusent et « bloquent » temporairement les dislocations, ralentissant alors la déformation plastique et retardant la propagation des fissures.

À 600 °C, les performances restent élevées, avec plus d’un million de cycles atteints pour des charges modérées. Cependant, au-delà d’un certain seuil de contrainte, les effets d’adoucissement thermique, de récupération dynamique et d’oxydation limitent la durabilité.

Une microstructure qui s’autorégule

Les observations au microscope électronique révèlent que les mousses métalliques composites possèdent une microstructure dynamique : effondrement partiel de la porosité, décollement local sphère/matrice et apparition de jumelage cristallin (twinning) dissipent localement l’énergie et permettent de retarder la rupture.

La porosité matricielle joue ici un rôle clé. Elle permet une répartition homogène de la déformation, atténuant les concentrations de contraintes et favorisant une « densification progressive » sous cycles répétés. Associé au DSA, ce mécanisme confère au matériau une résilience structurelle unique.

Des applications variées

Les résultats ouvrent des perspectives dans tous les secteurs où la sécurité dépend de la résistance à la fatigue en milieu chaud. Comme le souligne Afsaneh Rabiei, co-auteur de l’étude, ces performances sont cruciales lorsque « la défaillance d’un équipement pourrait compromettre la santé ou la sécurité publiques », comme dans les moteurs à réaction (aubes, volets d’échappement, conduits), les turbines à gaz et à vapeur, les structures d’avions hypersoniques, les systèmes de freinage automobiles, les moteurs à combustion interne, ou encore les gaines de combustible nucléaire.

La mousse métallique composite en acier se positionne ainsi comme une alternative légère et sûre pour remplacer certains aciers massifs soumis à des conditions extrêmes de température et de charge.

De nombreux défis encore à relever

Cependant, plusieurs points restent à résoudre. La production par métallurgie des poudres, notamment, bien que maîtrisée, introduit une microporosité résiduelle qui peut à long terme amorcer des fissures. Par ailleurs, les auteurs soulignent que les essais ont été réalisés dans un environnement contrôlé. Des tests en air ambiant ou sous cycles thermiques réels seront nécessaires avant toute intégration industrielle.

Malgré ces limites, l’étude marque une étape importante dans la compréhension de la fatigue des mousses métalliques composites. En combinant structure cellulaire, porosité active et effets de vieillissement dynamique, ces matériaux démontrent un potentiel remarquable de stabilité et de longévité à haute température.

Pour les ingénieurs matériaux, cette avancée ouvre la voie à une nouvelle génération de composants capables de fonctionner au-delà des capacités de l’acier conventionnel, tout en réduisant le poids et en augmentant la sécurité des systèmes critiques.


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