Ostrea inaugure officiellement, ce 9 octobre 2025, son site de production situé à Thorigné-Fouillard, à proximité de Rennes, marquant ainsi le passage à l’échelle industrielle de son procédé de transformation de coquillages recyclés en matériau minéral. Cette usine dispose désormais d’une capacité de production quarante fois supérieure à celle du précédent atelier de l’entreprise, ce qui lui permettra de répondre à une demande croissante pour des matériaux innovants et durables.
Le matériau produit est conçu à partir de coquillages recyclés issus de la filière conchylicole. Il vise à substituer des pierres naturelles ou des composites classiques, sans recours à des résines synthétiques. En mobilisant une ressource locale jusque-là largement négligée – près de 250 000 tonnes de déchets coquillés sont enfouies chaque année en France –, Ostrea ambitionne de créer une voie d’économie circulaire dans le secteur des matériaux.
Le choix du territoire breton pour implanter cette usine n’est pas fortuit, il se fonde sur une synergie entre producteurs conchylicoles, collecteurs de déchets coquilliers et opérateurs industriels. Cette intégration territoriale permet à Ostrea de sécuriser ses approvisionnements en coquilles – majoritairement issues des moules et huîtres – et de limiter les coûts de transport, tout en consolidant un écosystème local autour de la valorisation circulaire.
La montée en puissance de la production est par ailleurs soutenue par un financement public-privé. Le projet industriel bénéficie d’un soutien de l’Ademe à hauteur de 500 000 €, en cofinancement pour l’acquisition d’équipements industriels. Il a également reçu l’appui du fonds Bpifrance Amorçage Industriel, de BNP Paribas Développement, de la Région Bretagne, de Rennes Métropole, et de divers investisseurs privés.
Au-delà de la dimension industrielle, cette inauguration témoigne d’une reconnaissance institutionnelle forte puisque le 3 septembre dernier, le ministre du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, s’est rendu sur le site aux côtés d’acteurs régionaux et industriels afin de souligner le potentiel structurant de l’initiative pour la réindustrialisation bas carbone en Bretagne.
L’histoire d’Ostrea (fondée autour de 2022) illustre le passage de la R&D à l’industrialisation. Auparavant, elle exploitait un atelier de plus petite taille (quelques centaines de mètres carrés) pour tester ses formulations, démontrer la robustesse de son matériau et convaincre les premiers clients. En amont, la startup avait levé environ 5 millions d’euros pour financer son passage à l’échelle.
Cette levée avait déjà été mentionnée dans la presse économique pour souligner le positionnement d’Ostrea dans le secteur des matériaux durables. L’entreprise se présente en effet comme pionnière du « terrazzo marin », un matériau qui, selon ses promoteurs, combine esthétique, performance mécanique et empreinte environnementale réduite.
La nouvelle usine représente un bond technologique. La capacité multipliée par quarante ouvre de fait la voie à une montée en gamme et à des cadences compatibles avec des marchés plus larges (mobilier, plans de travail, revêtements intérieurs). Le matériau étant sans résine et à base minérale, il ambitionne de concurrencer les pierres naturelles tout en évitant les impacts liés à l’extraction.
Dans sa stratégie de développement, Ostrea prévoit un déploiement progressif dès 2026 en France puis à l’international, notamment en Europe, avec l’objectif de s’imposer parmi les acteurs des matériaux bas carbone.
Le procédé breveté constitue un actif central de l’entreprise. Ostrea affirme que son procédé ne requiert ni cuisson ni four, ce qui limite les émissions de CO₂ liées au process de fabrication. Cela en fait une alternative crédible aux solutions traditionnelles, pour peu que les propriétés mécaniques et la durabilité soient au rendez-vous dans les applications majeures du bâtiment et de l’aménagement intérieur.
L’équation économique reste exigeante. En effet, pour convaincre les donneurs d’ordres du BTP et du design, il faut que le coût de revient, la qualité et la fiabilité du matériau soient compétitifs. Ostrea compte jouer la carte de l’innovation technologique, de la proximité des ressources (circuit court) et du « label bas carbone » pour se différencier.
En Bretagne comme ailleurs, la réussite de ce projet pourrait inspirer d’autres initiatives de valorisation de déchets locaux, dans les matériaux et les filières industrielles. Si Ostrea parvient à confirmer ses performances techniques et à sécuriser ses débouchés commerciaux, cette usine pourrait devenir une référence de l’industrie circulaire respectueuse du carbone.
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