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Première européenne : l’implantation d’une prothèse grâce à la réalité mixte

Posté le 22 juillet 2020
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

Le 16 juillet, pour la première fois en Europe, un casque de « réalité mixte » intégrant une planification préopératoire complète « made in France » a été utilisé au CHRU de Tours. Une paire de lunettes de réalité mixte de Microsoft (HoloLens 2), a permis au Pr Julien Berhouet d’opérer deux patients en toute sécurité. À terme, cette solution pourra être utilisée pour l’enseignement et la téléexpertise.

La chirurgie de l’épaule est difficile, en raison notamment d’une exposition limitée de l’omoplate et de sa localisation anatomique profonde. La réalité mixte apparaît comme une technologie capable d’aider les chirurgiens à réaliser leurs opérations. Un chirurgien sera théoriquement en mesure de réaliser plus précisément l’intervention qu’il aura planifiée en amont.

La réalité mixte offre en effet une solution interactive pour reproduire au bloc opératoire le positionnement prévu lors de la planification. C’est ce qui s’est passé mi-juillet au CHRU de Tours. Deux opérations ont été menées par le Pr Julien Berhouet, du Centre de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique de Tours Universitaire (CCOTT-U).

La première opération concernait une patiente qui avait une arthrose relativement modérée et qui ne nécessitait pas un gros travail de reconstruction. Par contre, le second patient présentait une usure et une déformation très avancées de son épaule, beaucoup plus difficile à prendre en charge sur le plan technique.

« La réalité mixte appelée Blueprint Mixed Reality Technology (Wright), utilisant notamment le casque HoloLens 2 de Microsoft, m’a été très utile, car cela m’a sécurisé dans mon geste, en particulier pour ce second cas pour lequel je devais positionner mes instruments de façon inhabituelle par rapport à un cas standard », nous a expliqué le Pr Julien Berhouet.

 

Grâce à des lunettes de réalité mixte (HoloLens 2, Microsoft), le chirurgien visualise simultanément l’épaule opérée du patient et une représentation holographique tridimensionnelle de l’épaule associée au planning préopératoire.

Une opération fonctionnelle dès septembre prochain

En amont de ces deux opérations, le chirurgien avait fait une planification préopératoire avec un logiciel dédié permettant une reconstruction en 3D des squelettes des patients. Le chirurgien implante virtuellement une prothèse dans l’épaule du patient reconstruite en 3D et optimise son positionnement. La réalité mixte offre ainsi une solution interactive pour reproduire au bloc opératoire le positionnement prévu lors de la planification.

En pratique, les données 3D du plan préopératoire sont projetées dans les lunettes du chirurgien. En utilisant des gestes de la main et des commandes vocales, le chirurgien affiche, fait pivoter et analyse la représentation holographique de l’articulation, à proximité immédiate du champ chirurgical réel. La comparaison en direct de l’épaule holographique en 3D et de l’épaule opérée guide le chirurgien dans le positionnement de la prothèse.

« Il s’agit donc d’une représentation en parfaite adéquation avec la situation des patients et ce qui a été préparé et décidé pour eux en amont. C’est en ce sens que c’est une première européenne. Il s’agit en effet d’une opération concrète et fonctionnelle que nous mettrons en place à partir de septembre prochain au CHU de Tours », précise le Pr Julien Berhouet.

En France, 18 000 patients bénéficient d’une prothèse d’épaule chaque année. La première européenne réussie à Tours facilitera le travail des chirurgiens.

Depuis près de 8 ans, l’utilisation de la réalité mixte en chirurgie de l’épaule a été l’un des principaux axes de recherche du Pr Julien Berhouet. La chirurgie prothétique de l’épaule a toujours été une expertise importante de ce service hospitalo-universitaire, grâce à l’expérience mondialement reconnue du Pr Luc Favard.

Pour construire ce projet d’application de la réalité mixte, désormais international sous l’égide du groupe Wright, l’équipe chirurgicale de Tours s’est successivement associée sur le plan scientifique fondamental à un autre acteur académique local d’importance : l’équipe de recherche Reconnaissance de Formes et d’Analyse d’Images (RFAI) du Laboratoire d’Informatique Fondamentale et Appliquée de Tours (LIFAT), actuellement dirigée par le Pr Jean-Yves Ramel, de l’École Polytechnique Universitaire de Tours (Polytech’Tours), puis une jeune start-up brestoise, IMASCAP, dirigée par le Dr Jean Chaoui.

Radar de recul

Les prochaines étapes de développement sont déjà en cours. La « spectator vision » est l’une d’elles. « Il ne s’agira pas de partager la vision de l’opérateur via un ordinateur installé dans le bloc opératoire et que tout le monde peut consulter, mais d’une communication entre deux casques, l’un porté par le chirurgien et le second par un assistant ou une infirmière du bloc opératoire », explique le Pr Julien Berhouet.

Une autre étape prévue, probablement la plus déterminante sur le plan technologique, sera la superposition de l’hologramme sur la scène réelle, ce qui implique une initialisation et un matching parfait entre le virtuel et le réel pour avoir une correspondance anatomique parfaite. Cela constituera une base pour ensuite y ajouter des outils chirurgicaux virtuels qui serviront de guides aux outils réels manipulés par l’opérateur.

Comme avec un radar de recul installé sur les véhicules, les chirurgiens pourront savoir si leur instrument est parfaitement aligné (grâce à des marqueurs positionnés sur l’omoplate et sur les instruments) et s’il peut « lancer » le geste.

« Nous savons le faire, mais c’est une solution qui n’est pas assez robuste. Nous sommes au stade d’expérimentation cadavérique pour notamment valider la précision de la superposition entre réel et virtuel », déclare le chirurgien.

Ces étapes devraient être effectives pour partie au début de l’année prochaine.

À terme, la réalité mixte pourrait être utilisée dans l’enseignement au sein d’un CHU. Un chirurgien senior serait dans son bureau pendant qu’un « junior » ferait ses premiers cas. Les deux praticiens pourraient converser à distance sans que le senior descende au bloc.

Cette technologie pourrait être également utilisée en téléchirurgie-téléexpertise, entre deux hôpitaux.


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