Au carrefour de la médecine, de l'informatique et de la bio-ingénierie, les gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO) sont en plein essor, en réponse à une forte demande médicale. En parallèle à l'entrée effective de l'informatique dans les hôpitaux (imagerie médicale, systèmes d'informations hospitaliers intégrés), les gestes médicaux deviennent de moins en moins « invasifs », pour réduire les traumatismes du patient, les temps d'hospitalisation et les conséquences postopératoires. Dans ce contexte, les GMCAO sont apparus afin d'assister le geste clinique en lui associant des techniques de traitement d'imagerie médicale, de modélisation, de fusion de données ou de robotique. Afin d'être de plus en plus précises, les stratégies opératoires vont par exemple associer aux planifications préopératoires classiques des techniques de simulation reposant sur des modèles complexes (modèles statistiques ou biomécaniques par exemple). De la même manière, avec des gestes chirurgicaux qui deviennent de moins en moins invasifs, et donc avec une vision réduite et un accès restreint aux organes, des techniques de réalité virtuelle peuvent être utilisées pour augmenter la perception du chirurgien, et des systèmes de guidage robotisés peuvent être requis pour compléter sa dextérité.
Les méthodologies des GMCAO sont très souvent présentées suivant trois étapes chronologiques. Dans un premier temps, des données sont collectées (imagerie médicale traditionnelle, vision par ordinateur, métrologie) puis éventuellement injectées dans de la connaissance a priori (modèles anatomiques, modèles statistiques, etc.) afin de construire un modèle virtuel du patient. La deuxième étape concerne alors la planification de l'intervention médicale ou chirurgicale. Le chirurgien va pour cela utiliser le modèle virtuel du patient pour définir la stratégie opératoire optimale. Cette stratégie peut mettre en œuvre des outils d'optimisation (pour délivrer aux tissus pathologiques la dose de radiations optimale en radiothérapie par exemple) ou des outils de modélisation géométrique et/ou mécanique (par exemple, pour des voies d'abord difficiles avec des trajectoires complexes, ou dans des situations pour lesquelles les structures anatomiques opérées peuvent bouger, voire se déformer au cours de l'intervention). Enfin, la dernière étape des méthodologies des GMCAO consiste à transférer le planning défini sur le modèle du patient dans les conditions du bloc opératoire. En d'autres termes, il s'agit de relier le monde informatisé des données, images et planning préopératoire, au monde réel de la salle d'opération, avec le patient, le chirurgien et ses ancillaires. La robotique médicale et ses ancillaires informatisés est la réponse qui a été proposée aux chirurgiens pour matérialiser ce lien entre planning informatique et bloc opératoire.
Cet article vise à fournir un aperçu des techniques relevant de la bio- mécanique tissulaire qui ont été mises en jeu dans un modèle virtuel du patient. Par biomécanique tissulaire, nous entendons la mise en œuvre d'outils de modélisation permettant de prédire les déformations des tissus mous du vivant. Nous évoquerons aussi bien les modèles biomécaniques utilisés pour une assistance au planning chirurgical (c'est-à-dire avant intervention) que les modèles exploités en temps réel (c'est-à-dire en cours de chirurgie ou pour un retour immédiat des résultats des simulations vers le chirurgien ou le patient).
Un glossaire est présenté en fin d'article.