Face au double choc du changement climatique et de l’épuisement des énergies fossiles, le think tank appelle, dans son rapport intermédiaire Atlas 2050 publié au mois de mai, à repenser en profondeur la façon dont les territoires français utilisent et partagent leurs ressources physiques. Car la transition énergétique ne se fera pas sans tensions locales. À l’horizon 2050, ce sont nos usages les plus ordinaires – se chauffer, se déplacer, manger – qui pourraient devenir sources de rivalités, faute d’anticipation.
Des ressources déjà sous pression
L’eau en est l’illustration la plus flagrante. Lors de la sécheresse de 2022, plus de 1 000 communes françaises ont dû recourir à des solutions d’urgence pour approvisionner leurs habitants en eau potable, dont 343 par camions-citernes et 196 par distribution de bouteilles. Dans le seul département du Tarn-et-Garonne, les pertes agricoles se sont élevées à 95 millions d’euros, soit 16 % du chiffre d’affaires annuel du secteur.
Et la situation ne devrait pas s’améliorer. D’après Météo-France, la France pourrait perdre en moyenne 45 mm de bilan hydrique annuel d’ici 2050, avec 24 jours supplémentaires de sécheresse par an. Résultat, la demande en irrigation, déjà première consommatrice d’eau douce (61 %), risque d’entrer en concurrence avec les besoins croissants du résidentiel, de l’industrie et de la production énergétique.
Une transition énergétique qui déplace la pression
Sortir des énergies fossiles est impératif. Mais le faire sans planification crée de nouvelles tensions. Pour remplacer le gaz ou le fioul, de nombreuses collectivités misent sur la biomasse (bois, méthanisation, ou biocarburants). Or ces ressources sont déjà convoitées. Le scénario de décarbonation exploré par The Shift Project prévoit que la consommation de bois pour l’énergie passerait de 30 à 42 millions de m³ d’ici 2050, voire jusqu’à 70 millions si l’on inclut les usages de biocarburants.
De quoi inquiéter les territoires producteurs, confrontés à des forêts fragilisées par les sécheresses, les incendies ou les pathogènes. Dans le Grand Est, le dépérissement forestier pourrait croiser dès 2035 la demande industrielle, créant un déficit de ressource.
Même constat pour le biométhane. En 2050, la production pourrait atteindre 120 TWh, mais la demande totale de gaz, si les usages ne baissent pas drastiquement, dépasserait 320 TWh. Le déficit de 200 TWh serait comblé inévitablement par des importations fossiles.
L’électrification massive : une fausse solution ?
L’électrification de la mobilité, de l’industrie ou du chauffage est souvent présentée comme la voie royale de la transition. Pourtant, cette stratégie repose sur une forte hausse de la consommation d’électricité, estimée à 50 % d’ici 2050, avec des pics liés à la recharge des véhicules ou au chauffage. Sans adaptation rapide du réseau électrique – déjà saturé dans certaines zones –, les risques de congestion sont réels, en particulier dans les territoires à la fois denses, industriels et peu producteurs d’électricité, comme l’Île-de-France, le Rhône ou le Nord par exemple.
Le réseau électrique n’est pas seul en cause. Le rapport pointe un manque d’articulation entre les stratégies sectorielles : les plans climat, les stratégies de résilience, les documents d’urbanisme ou de gestion de l’eau sont souvent élaborés en silo, sans prise en compte des arbitrages multi-ressources.
Des territoires inégalement armés
68 % des collectivités interrogées lors de l’étude du Shift Project considèrent que l’eau est déjà en tension. Ce chiffre s’élève à 57 % pour les sols. Mais peu disposent d’une vision claire des interdépendances. Les zones urbaines restent très dépendantes de territoires ruraux pour leur alimentation, leur énergie, leur eau. Le réseau d’adduction peut dépasser les 150 km, comme dans le cas du syndicat des eaux Montbazens-Rignac. Pourtant, les arbitrages restent souvent locaux et court-termistes.
Certaines collectivités commencent à se doter d’outils de diagnostic territorial. La plateforme Territoires au futur, initiée par The Shift Project, permet déjà une première lecture des vulnérabilités à l’échelle intercommunale ou départementale.
Repenser la planification, redonner du pouvoir aux élus
Le cœur du message du rapport Atlas 2050 véhicule une proposition forte : remettre la contrainte physique – ce que les territoires peuvent réellement produire ou supporter – au centre des politiques publiques. Cela implique d’intégrer les risques de conflits d’usage dès la conception des stratégies territoriales, mais aussi de renforcer les instances de coopération interterritoriales.
Sur le modèle des commissions locales de l’eau, le Shift propose de développer des lieux de gouvernance partagée pour d’autres ressources : bois, biomasse, énergie. Car c’est bien à cette échelle, celle du bassin de vie, que se joueront les équilibres de demain.
Une course contre la montre
Décarboner l’économie française suppose de réduire les émissions de GES de 5 % par an en moyenne dès maintenant. Mais plus nous tardons, plus le rythme devra être brutal, avec des effets sociaux et économiques potentiellement déstabilisants. Or aujourd’hui, la trajectoire des politiques publiques actuelles mène vers une augmentation des températures de 3,1 °C d’ici 2100, bien loin des objectifs de l’Accord de Paris.
En posant la question des ressources physiques comme fondement de la planification territoriale, Atlas 2050 ne cherche pas à ajouter une contrainte de plus, mais à outiller les décideurs pour en faire un levier de transformation. Une boussole pour réussir, localement, la transition écologique.
Télécharger le rapport intermédiaire Atlas 2050
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