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Vers une gestion automatisée du trafic spatial pour éviter les collisions

Posté le 15 septembre 2025
par Nicolas LOUIS
dans Innovations sectorielles

Face à la multiplication des satellites et à la menace grandissante des débris orbitaux, l'Agence spatiale européenne a lancé le projet CREAM. Son objectif : développer un système inédit capable de détecter automatiquement les risques de collision et de proposer des manœuvres d'évitement en quasi-temps réel. Un prototype en mode terrestre vient d'être testé.

Alors que l’orbite terrestre devient chaque jour plus encombrée, avec plus de 11 000 satellites actifs et plus de 1,2 million de débris supérieurs à 1 cm, l’Agence spatiale européenne (ESA pour European Space Agency) développe une nouvelle réponse technologique pour y faire face. Baptisée CREAM (Collision Risk Estimation and Automated Mitigation) et lancée en 2020 dans le cadre du programme Space Safety de l’ESA, elle vise à automatiser intégralement le processus d’évitement de collisions.

Actuellement, la surveillance se révèle laborieuse, chronophage et fragmentée. Les équipes chargées de la mettre en œuvre doivent à la fois identifier les rapprochements dangereux, concevoir manuellement des manœuvres d’évitement, tout en coordonnant les actions avec d’autres opérateurs. Le projet européen a pour objectif de réduire la charge de travail des opérateurs, limiter les fausses alertes et accélérer les décisions critiques, tout en renforçant la sécurité des missions.

Cet été, ce programme vient de franchir une étape majeure avec des tests menés au sol. Ces essais, conduits dans le cadre de la phase de qualification, visent à évaluer en conditions concrètes l’efficacité du système avant son déploiement orbital. Les scénarios simulés comprenaient notamment des rapprochements critiques entre objets orbitaux représentant des satellites actifs, mettant l’accent sur la réactivité et la cohérence des réponses générées.

Le prototype, fonctionnant en mode terrestre, a démontré une capacité probante à détecter les risques de collision, à générer des alertes automatisées et à proposer des manœuvres d’évitement exploitables par les équipes de contrôle au sol. Cette première campagne de tests a également servi de banc d’essai à de futures fonctionnalités d’aide à la décision, grâce à des algorithmes capables de prioriser des options de manœuvre selon des critères de risque, de coûts et de coordination inter-satellites.

Une démonstration en orbite est prévue à l’horizon 2027-2028

Ces résultats doivent servir à affiner une prochaine version qui sera envoyée dans l’espace, d’abord sous la forme d’un logiciel intégré à un satellite existant, en tant que charge utile secondaire profitant d’un lancement déjà prévu. Puis, à l’horizon 2027-2028, il est prévu d’envoyer une version enrichie dans l’espace à l’aide d’un petit satellite équipé des technologies développées durant les phases antérieures pour évaluer leurs performances dans un environnement réel et congestionné.

Au-delà de ses fonctions techniques, ce projet a été pensé comme un véritable réseau collaboratif. Il réunit en effet des opérateurs, des services de surveillance spatiale, des régulateurs et des observateurs sur une même plateforme pour fluidifier les échanges et décisions, en particulier lorsqu’il s’agit de deux satellites actifs. En cas de désaccord sur la mise en œuvre d’une manœuvre, le système peut même activer un service de médiation automatique afin de garantir la transparence, l’équité et l’efficacité.

En plus de l’évitement en temps réel, ce programme devrait apporter une contribution stratégique à l’avenir de la gouvernance spatiale. L’établissement de règles de trafic en orbite est en effet souvent freiné par la difficulté à les appliquer en l’absence de technologies adéquates. Ici, l’idée est de fournir cette base technologique, à savoir une boîte à outils normalisée qui aide les opérateurs à se conformer à de bonnes pratiques.

À l’heure où les mégaconstellations des acteurs privés se multiplient, la maîtrise du trafic spatial est devenue une urgence. Le projet CREAM incarne à la fois une réponse moderne, automatisée et équitable pour éviter les collisions, limiter la création de nouveaux débris et préserver l’espace orbital. Si ce projet s’avère concluant, il pourrait devenir l’ossature d’un cadre international de sécurité spatiale, démontrant qu’une technologie appropriée peut permettre un usage durable de l’orbite terrestre.


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