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Carburants d’aviation durables : une intégration très lente, mais qui se poursuit

Posté le 19 novembre 2025
par Arnaud Moign
dans Énergie

Dans son rapport environnemental 2025, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) fait le bilan des progrès réalisés dans la transition vers une aviation plus propre. Le rapport souligne que les carburants durables n'ont représenté que 0,53 % de la consommation mondiale de carburant pour l'aviation en 2024, contre 0,2% en 2023. Si le secteur aérien souhaite atteindre les objectifs du règlement ReFuelEU Aviation, une expansion significative de la capacité de production est donc requise.

Le règlement ReFuelEU Aviation[1] a fixé un mandat d’approvisionnement minimal en SAF[2] de 2 %, pour 2025. Cette valeur évoluera progressivement pour atteindre 6 % en 2030, 20 % en 2035 et 70 % en 2050. D’après l’agence, si ces chiffres sont respectés « les émissions nettes de CO2 pourraient diminuer d’au moins 65 millions de tonnes (47 %) en 2050. »

Quels sont les freins identifiés à l’essor des SAF ?

Comme le reconnaît l’AESA, l’aviation se trouve à la croisée des chemins dans sa transition vers la décarbonation. Néanmoins, le caractère anecdotique de l’utilisation des SAF au niveau mondial indique que nous sommes encore loin d’une adoption massive de ces carburants alternatifs.

Par ailleurs, l’Europe ne dispose pas encore des moyens de production lui permettant d’atteindre des volumes importants. En effet, on estime qu’actuellement, la capacité annuelle de production de SAF en Europe est d’un peu plus de 1 million de tonnes. Ce chiffre peut sembler important, mais c’est très peu, en comparaison des 50 millions de tonnes de carburant d’aviation consommés par an dans l’UE.

Malheureusement, les scénarios d’évolution ne permettent pas, pour le moment, d’atteindre les objectifs du règlement ReFuelEU Aviation. Même en incluant les usines en construction, la capacité européenne pourra atteindre au mieux 3,5 Mt en 2030, soit un peu plus de la moitié de l’objectif fixé !

Mais il existe aussi d’autres freins à l’adoption des SAF, le principal étant leur prix au minimum trois fois plus élevé (jusqu’à dix fois pour certaines filières émergentes), comparé au kérosène.

Par ailleurs, intégrer les SAF à grande échelle nécessite aussi de surmonter certains défis techniques et logistiques. Sur ce point, le rapport souligne néanmoins que « certains aéroports soutiennent l’adoption des carburants durables pour l’aviation par des investissements dans la production, la chaîne d’approvisionnement, la sensibilisation, les incitations financières et l’engagement politique. » En clair : l’intégration des SAF est aussi une affaire de volonté !

Les recommandations de l’AESA pour accélérer leur intégration

Pour réduire l’écart de prix entre les SAF et les carburants d’origine fossile et atteindre les objectifs d’approvisionnement, l’AESA propose de s’appuyer sur trois dispositifs : le plan industriel du Pacte vert, les recettes du marché carbone (quotas alloués par le SEQE[3]) et les mesures de soutien du règlement ReFuelEU Aviation.

L’AESA souligne aussi l’importance d’accompagner l’industrie et les États dans le financement des projets SAF et préconise « d’accroître les ressources et la coordination de la recherche au niveau de l’UE » afin de soutenir l’innovation. Le rapport cite notamment Horizon Europe ainsi que le Fonds européen pour l’innovation comme principaux leviers.

Le rapport insiste ainsi sur la nécessité d’intensifier les efforts de R&D, et encourage aussi la mobilisation de financements privés « verts », par exemple via la taxonomie européenne des investissements durables, dans le but d’orienter des capitaux vers les projets SAF.

Pas de résultats sans action concertée !

En outre, la dernière section du rapport de l’AESA est consacrée à la coopération internationale, car il ne peut y avoir de transition bas carbone du secteur aérien sans action concertée de la part de l’ensemble des parties prenantes : législateurs, industries pétrolières et chimiques, compagnies aériennes, aéroports.

Pour relever les défis, notamment ceux liés à l’intégration des SAF, l’AESA propose trois actions permettant de stimuler la coopération.

Pour des informations plus détaillées, nous vous invitons à lire le rapport complet de l’AESA.


[1] Le règlement (UE) 2023/2405 est entré en vigueur au 1er janvier 2025. Il vise à garantir que le transport aérien de l’UE respecte les objectifs climatiques pour 2030 et 2050.

[2] SAF : Sustainable Aviation Fuels, ou carburants d’aviation durables (CAD)

[3] SEQE : Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne


Pour aller plus loin