En piégeant le CO₂ à la source, puis en le valorisant ou en le stockant durablement sous terre, le CCUS offre une alternative réaliste pour atteindre la neutralité carbone sans bouleverser les chaînes de production existantes. Attention ! Le CCUS n’est pas la solution miracle qui permettra à l’industrie de devenir vertueuse environnementalement parlant sans faire évoluer drastiquement ses pratiques. Mais il peut, au cas par cas, permettre de compenser des émissions inévitables liées aux activités industrielles. Le CO2 émis par les avions pendant les vols aura encore longtemps du mal à être capté.
Le principe du CCUS repose sur trois étapes, à savoir capturer, transporter et stocker le dioxyde de carbone. La première phase de captage consiste à isoler le CO₂ présent dans les gaz de combustion, soit par un procédé de post-combustion, de pré-combustion ou d’oxy-combustion. Si ces techniques permettent de piéger jusqu’à 95 % des émissions, elles restent énergivores et coûteuses, pouvant absorber jusqu’à 40 % de la production d’une centrale.
Une fois capté, le CO₂ peut être compressé et transporté, le plus souvent par gazoduc, jusqu’à des sites de stockage géologique situés à plus de 800 mètres de profondeur. Ces réservoirs naturels – gisements d’hydrocarbures épuisés, aquifères salins ou veines de charbon – garantissent la conservation du CO₂ à l’état supercritique pendant des siècles, à condition de disposer de formations géologiques adaptées.
Des solutions technologiques au cas par cas
En France, la stratégie nationale CCUS, publiée en juillet 2024, vise à capter entre 4 et 8 millions de tonnes de CO₂ par an d’ici 2030. Elle cible les grands bassins industriels : Dunkerque, Fos-sur-Mer, Le Havre et Saint-Nazaire. À Dunkerque, ArcelorMittal teste un pilote capable de capter un million de tonnes par an, tandis que GRTgaz et Equinor développent le projet CO₂ Highway Europe, qui doit relier des sites français aux stockages norvégiens en mer du Nord. Dans le Grand Ouest, le projet GO CO₂ prévoit quant à lui une capacité d’exportation de 2,6 millions de tonnes par an depuis Saint-Nazaire.
Dans le même temps, l’IFPEN et le BRGM évaluent le potentiel de stockage du sous-sol français, tandis que plusieurs projets de captage sur les déchets et la biomasse ouvrent la voie au BECCS (bioénergie avec captage et stockage), capable de générer des émissions négatives. L’objectif est d’en séquestrer près de dix millions de tonnes par an d’ici 2050.
Au-delà du stockage, le CCUS ouvre la voie à une valorisation du CO₂ en tant que ressource. Il peut être utilisé pour produire des carburants de synthèse, des polymères ou renforcer les bétons recyclés par minéralisation. Des start-up comme NetCarbon, combinent observation satellitaire et intelligence artificielle pour certifier le carbone stocké naturellement dans les forêts et sols agricoles, une donnée qui restait jusqu’à présent souvent théorique et quasiment impossible à évaluer de manière crédible.
Reste que le CCUS demeure aujourd’hui un pari économique. Capturer une tonne de CO₂ coûte entre 250 et 350 euros, ce qui est trois ou quatre fois supérieur au prix actuel du carbone.
Cette équation limite son déploiement, malgré la maturité technique et les besoins croissants de décarbonation. L’agence internationale de l’énergie estime pourtant que le CCUS devra contribuer à 15 % de la réduction mondiale des émissions d’ici 2050. Un objectif qui suppose la mise en place de milliers d’installations et de réseaux transfrontaliers.
La France, grâce à son expertise industrielle et à ses ressources géologiques, dispose d’atouts certains pour construire une filière compétitive. Mais son essor dépendra de trois conditions : un signal-prix carbone fort, une réduction des coûts grâce à l’innovation, et une acceptation sociale du stockage souterrain.
Tout cela afin de représenter, au-delà d’une solution ponctuelle, une véritable brique technologique dans les stratégies net zéro des entreprises industrielles.
Cet article se trouve dans le dossier :
Le CCUS, une nécessité industrielle en quête d'un modèle économique
- Le CCUS, levier industriel pour atteindre la neutralité carbone
- « Chaque filière industrielle doit trouver sa propre équation »
- « Le CCUS n’est pas du techno-solutionnisme, c’est une nécessité climatique et industrielle »
- Les limites actuelles du CCUS industriel
- Une usine de chaux teste la capture cryogénique du CO₂ pour réduire ses émissions
- Accord franco-norvégien : vers un exil géologique du CO₂ industriel français
- Transformer le CO2 industriel en matériau de construction : une innovation électrochimique prometteuse
- Quel potentiel de stockage géologique du CO2 en France ?
- Les thèses du mois : "Le CCUS, une nécessité industrielle en quête d'un modèle économique"
- Captage et stockage du CO₂ : un enjeu clé de la transition énergétique
Dans l'actualité
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- Décarboner le ciment : Ecocem mise sur l’innovation en France
- Carburants d’aviation durables : une intégration très lente, mais qui se poursuit
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- La revue de presse quotidienne du 26 novembre 2025 : environnement, industrie du futur, énergie
Dans les ressources documentaires
- Valorisation du CO2 - Partie 1 : voies directes et voies avec transformation biologique
- Chimie verte
- Captage et stockage du CO2 dans le contexte de la transition énergétique
- Nettoyage par CO2 dense sous pression - Alternative à l’utilisation des solvants pétroliers
- Biofixation du CO2 par microalgues