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La barrière entre eaux de surface et océan profond s’intensifie

Posté le 25 mars 2021
par Matthieu Combe
dans Environnement

Dans l’océan mondial, les eaux de surface se mélangent de moins en moins aux eaux profondes. Une nouvelle étude, parue le 24 mars dans Nature, met en garde contre la menace qui pèse sur le rôle de « thermostat » joué par les océans.

L’océan joue un rôle fondamental de thermostat planétaire atténuant le réchauffement climatique. Mais les eaux de surface deviennent de plus en plus chaudes et de moins en moins denses sur l’ensemble du globe. C’est l’alerte lancée par une nouvelle étude parue dans la revue Nature, menée par des chercheurs du CNRS, de Sorbonne Université et de l’Ifremer. Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont étudié des relevés de température et de salinité de l’eau remontant aux années 1970, jusqu’en 2018, notamment en été.

Des eaux de surfaces moins denses

« Sous l’effet du changement climatique, les eaux de surface deviennent moins denses, explique Jean-Baptiste Sallée, auteur principal de l’étude et chercheur au CNRS. Le changement climatique intensifie aussi les vents. Ces deux effets combinés font que la barrière qui sépare la couche de surface et l’océan profond s’intensifie et devient plus profonde ». Et cela va beaucoup plus vite que prévu, à un rythme six fois supérieur aux estimations précédentes. « La couche de surface s’étend en profondeur de 5 à 10 mètres par décennie. »

La différence de densité des eaux de surface s’observe dans tous les océans pour des raisons différentes. « À nos latitudes, la densité des eaux de surface est principalement contrôlée par la température, explique le chercheur. Lorsqu’elles se réchauffent, les eaux de surface deviennent de plus en plus légères. Aux hautes latitudes, au pôle nord et au pôle sud, la densité est principalement contrôlée par la salinité. La raison physique est que dans les eaux très froides, proches du point de congélation, la température a un très faible rôle sur la densité. Avec le changement climatique, les précipitations s’intensifient aux pôles et les glaciers fondent, ce qui diminue la salinité et donc la densité. »

« Une couche d’eau sur de l’huile »

« On assiste à une sorte de découplage entre la couche de surface et les eaux profondes, un peu à la manière d’une couche d’eau sur de l’huile », poursuit Jean-Baptiste Sallée. Les chercheurs craignent ainsi une diminution du stockage de chaleur et de carbone par les océans. En plus, dans une couche de surface plus profonde, le phytoplancton risque de passer moins de temps à la surface, là où la lumière nécessaire à la photosynthèse est la plus intense. Cela pourrait donc diminuer la croissance du phytoplancton.

Jean-Baptiste Sallée rappelle le rôle clé des océans pour réguler le climat. Ils absorbent environ un quart du CO2 d’origine anthropique et plus de 90 % de l’excès d’énergie associé au changement climatique. Les chercheurs craignent que ce découplage des eaux impacte négativement ces capacités, mais ils ne savent pas encore en quelles proportions.


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