Dans un milieu comme le corps humain, le pH (ou potentiel hydrogène) mesure la basicité ou l’acidité. Il sert ainsi d’indicateur pour les changements physiologiques tels qu’une inflammation. Réussir à rendre des composés réactifs à des gammes de pH données permettrait une délivrance plus précise et ciblée des médicaments dans l’organisme. Dans le cas de l’arthrite, qui consiste en une inflammation des articulations et qui touche plus de 600 millions de personnes dans le monde, il serait par exemple possible d’imaginer la conception d’un « cartilage artificiel ». Le traitement, désormais continu, améliorerait sensiblement l’efficacité des médicaments censés soulager la douleur et combattre l’inflammation. C’est dans cette optique que des chercheurs de l’université de Cambridge (Angleterre), menés par Stephen J. K. O’Neill, ont travaillé sur un nouveau matériau spongieux. Ses caractéristiques sont décrites plus en détail dans le Journal of the American Chemical Society en date du 8 septembre 2025.
Un « cartilage artificiel » en citrouille
L’équipe de recherche anglaise visait à obtenir un matériau capable de ressentir d’infimes changements corporels, telle une inflammation arthritique. Le but étant que le médicament relâche ses principes actifs aux meilleurs endroit et moment possibles. Pour ce faire, les scientifiques sont partis de cucurbituriles. Ces molécules macrocycliques sont formées d’unités de glycolurile [=C4H2N4O2=] et tiennent leur nom de leur apparence proche d’une citrouille (appartenant à la famille des cucurbitacées). Elles sont d’intérêt dans la chimie des complexes hôte-invité, où plusieurs molécules se retrouvent maintenues ensemble par d’autres forces que les liaisons covalentes – des échanges d’électrons. Ici, le lien est établi par un verrouillage cinétique sensible au pH ambiant. Or durant un épisode d’inflammation arthritique, l’articulation concernée devient enflammée et son acidité augmente légèrement par rapport au tissu environnant.
En réponse, le matériau spongieux devient quant à lui plus mou avec une apparence proche de la gelée. Est alors déclenché le relargage des molécules médicamenteuses encapsulées dans sa structure. Le matériau étant conçu de sorte à ne réagir que dans une étroite bande de valeurs de pH (4,5 à 7,5), les principes actifs peuvent agir en une localisation et un temps opportuns, réduisant potentiellement les effets secondaires. En laboratoire, des tests imitant le fonctionnement réel du mécanisme avec de la teinture fluorescente ont permis de mettre en évidence un relargage médicamenteux plus important en présence d’une acidité-type d’une articulation arthritique que pour une acidité-type d’une articulation saine. Des tests cliniques supplémentaires restent à réaliser avant de passer à de vrais patients dans le futur.
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