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L’un des secrets de la croissance des plantes enfin mis à jour

Posté le 3 janvier 2024
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Les cellules des plantes sont toutes entourées d'une paroi rigide dont l'une des fonctions est de résister à la pression très importante à l'intérieur. Des scientifiques sont parvenus à décrypter la manière dont elles parviennent à grossir, tout en conservant la rigidité de cette paroi. Cette découverte devrait avoir de multiples applications.

Les plantes sont capables d’utiliser l’énergie solaire pour convertir le CO2 atmosphérique en sucres. À l’intérieur, toutes les cellules sont remplies d’eau et de sucres et se retrouvent mises sous pression ; on parle de turgescence. Cette pression est très importante, car elle peut atteindre jusqu’à 10 fois celle de l’atmosphère. Pour maintenir leur intégrité, les cellules sont toutes entourées d’une paroi rigide qui sert à la fois de barrière protectrice et de support pour le squelette de la plante. Jusqu’ici, la communauté scientifique ne comprenait pas comment les cellules parvenaient à grossir, tout en maintenant la rigidité de leur paroi. Des chercheurs de l’INRAE, du CNRS, en collaboration avec des équipes suisses et belges, ont réussi à percer ce secret et ont publié leurs travaux dans la revue Science.

La paroi est constituée de fibres de cellulose entourées d’une matrice composée de plusieurs polysaccharides, dont des pectines. Ces pectines sont des polymères synthétisés dans la cellule, sous la forme méthylée, c’est-à-dire possédant des groupements CH3, puis sécrétés dans la paroi. À l’intérieur de cette paroi, des enzymes, plus précisément des pectines méthylestérases, sont également présentes et viennent modifier ce polymère, en lui retirant ses groupements méthyle, afin qu’il devienne un acide porteur d’une charge négative. Cette déméthylation a pour effet de faire gonfler la paroi et cela contribue donc à la croissance de la cellule.

Pour comprendre comment cette paroi peut grossir tout en conservant sa rigidité, les scientifiques se sont intéressés à la croissance du tube pollinique de l’arabette des dames, une plante très étudiée dans la recherche, aussi bien biologique que génétique. Ce tube pollinique est constitué d’une structure longiligne qui pousse à partir d’un grain de pollen. Contrairement aux cellules d’un tissu, les cellules à l’intérieur se trouvent isolées et ont en plus une des vitesses de croissance les plus rapides dans le monde du vivant, ce qui permet de les analyser plus facilement.

L’étude du tube pollinique a permis de mettre en évidence qu’une famille de peptides, c’est-à-dire des petites protéines constituées d’une chaîne d’une cinquantaine d’acides aminés, intervient dans le mécanisme d’assemblage de la paroi. Elle est produite par la plante et est sécrétée en même temps que les pectines. Il apparaît que ces peptides ont la particularité de porter des charges positives et de se combiner avec une protéine, appelée « LRX8 » et présente dans la paroi, pour créer un complexe, qui expose ces charges positives à sa surface.

Résultat : lorsque les pectines sont déméthylées (perdent leurs groupements CH3) et qu’elles se mettent à gonfler à cause de leur charge négative, elles se retrouvent ensuite face à ce complexe positivement chargé. In vitro, les chercheurs ont alors observé que cette interaction a pour effet de condenser les pectines, leur structure devient réticulée, et cela a pour effet de donner de la rigidité à la paroi.

Mieux prédire le comportement des plantes face au changement climatique

« Jusqu’à présent, on pensait que la paroi était organisée grâce à des interactions entre les polysaccharides, révèle Herman Höfte, directeur de recherche à l’Inrae. Grâce à nos travaux, nous démontrons qu’une interaction se produit avec une protéine, au même moment où la paroi se forme et grandit, et que cela lui permet de résister à la turgescence dans la cellule. Il s’agit d’un résultat de recherche fondamentale que l’on devrait ensuite retrouver dans des manuels de biologie. »

Cette découverte devrait avoir de multiples applications. Il va être à présent possible de modéliser avec plus de précision le mécanisme de la croissance des plantes, et ainsi prédire avec moins d’incertitude, la manière dont elles vont se comporter face aux changements de leur environnement, notamment climatique. Dans le domaine de la génétique quantitative, l’identification des parties du génome qui ont des effets favorables sur la croissance des plantes et qui déterminent les rendements futurs des cultures devrait aussi être plus facile à réaliser.

« Nos travaux devraient aussi avoir des répercussions dans le domaine de l’immunité des plantes, c’est-à-dire sur la manière dont elles parviennent à résister aux pathogènes, aux champignons et aux bactéries qui attaquent les plantes à travers leurs parois, ajoute le chercheur. En étudiant le mécanisme d’une façon très fondamentale, nous commençons à comprendre comment la plante se défend. À terme, nous devrions parvenir à sélectionner les plantes qui ont des stratégies de modification de leurs parois plus efficaces que d’autres afin de réduire l’utilisation des fongicides. »


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