Les enjeux liés à l’agriculture sont critiques pour l’humanité depuis le néolithique. La période actuelle n’échappe pas à cet état de fait et révèle même de nouvelles problématiques et de nouvelles fragilités auxquelles les sociétés doivent faire face. Le besoin de nourrir une population en forte augmentation s’accompagne désormais de la nécessité de faire évoluer les modes de culture pour être plus respectueux de l’environnement, des contraintes liées au changement climatique ou encore de l’exigence de qualité et de relocalisation de la production. La crise sanitaire récente a rappelé que même dans les sociétés les plus avancées, des tensions sur les marchés alimentaires pouvaient rapidement resurgir et que l’agriculture restait un des principaux domaines stratégiques pour la France.
Pour faire face à ces enjeux, une nouvelle révolution agricole est en marche. Elle bénéficie grandement de l’apport des nouvelles technologies numériques et de l’intelligence artificielle. Le premier objectif de cet article est de présenter les fondements mathématiques, les méthodologies et les techniques mis en jeu pour la transformation digitale du secteur. Le second objectif est d’illustrer sur quelques cas pratiques la mise en œuvre des technologies et comment elles affectent ou affecteront l’agriculture. On peut identifier deux grands axes scientifiques sur lesquels sont développées les nouvelles technologies numériques pour l’agriculture : la modélisation mathématique des processus et l’intelligence artificielle à partir des données agroenvironnementales.
Dans la première partie de cet article, nous montrerons comment la compréhension du fonctionnement des plantes et des cultures en interaction avec leur environnement permet le développement de modèles intégratifs décrivant la dynamique de croissance et la constitution du rendement. Les problématiques scientifiques sont alors celles rencontrées classiquement en modélisation : quelles sont les bonnes échelles de description (temporelle et spatiale), quels processus doivent être pris en compte en fonction de l’objectif visé, quel est le bon compromis entre précision et robustesse, comment paramétrer le modèle pour qu’il corresponde à la situation d’intérêt ? Une fois le modèle construit et paramétré, on peut alors le simuler pour réaliser des prévisions de rendement ou l’optimiser pour déterminer de meilleures conduites culturales.
Dans la seconde partie de cet article nous verrons que l’agriculture n’échappe pas à la grande tendance de l’explosion des données : multiplication des capteurs aux champs ou sur des tracteurs intelligents, imagerie satellitaire ou drone, données pédoclimatiques, statistiques agricoles… Cette grande disponibilité des données ouvre la voie à l’apprentissage statistique et aux nouvelles méthodes de l’intelligence artificielle.
Finalement, nous terminerons en essayant d’esquisser les grandes tendances à venir et en soulignant quelques-uns des nombreux défis scientifiques et technologiques qu’il reste à relever.