L’agriculture tropicale est fortement limitée par la faible fertilité des sols et la dégradation des terres. Dans les pays en développement, l’insécurité alimentaire est accentuée par des contraintes économiques, sociales et environnementales : croissance démographique, marginalisation économique, accès limités aux intrants, changement climatique, dégradation environnementale. Les petits exploitants agricoles n’arrivent pas à sortir de cette spirale négative ce qui nécessite de repenser les modèles agricoles et de développer une agriculture permettant d’atteindre les objectifs de développement durable. L’une des voies est celle de l’intensification écologique, ou agroécologique, de l’agriculture, également appelée « intensification durable de l’agriculture ». Les scientifiques reconnaissent généralement la nécessité d'une intensification écologique de la production agricole en augmentant la biodiversité et la complexité des agrosystèmes, pour s'appuyer davantage sur les fonctions naturelles, les interactions biotiques et les processus écologiques, et pour amplifier les services fournis par les organismes vivants. Généralement au niveau du champ et de la ferme, les pratiques agroécologiques stimulent et optimisent la biodiversité fonctionnelle aérienne, c’est-à-dire en surface, au-dessus du sol, alors que la biodiversité et les fonctions des sols (milieu souterrain) sont rarement gérées. L'importance des fonctions du sol dans la performance des systèmes agroécologiques est largement reconnue et leur restauration apparaît nécessaire. Malheureusement, en raison de la complexité du fonctionnement du sol et la faible connaissance de son déterminisme, seule une faible considération est encore accordée au sol lors de la conception des systèmes agricoles.
Cette agriculture écologiquement intensive est principalement adaptée aux petites exploitations agricoles qui regroupent 70 à 80 % de la population en Afrique. Ces exploitations ont généralement de petites surfaces cultivées, des accès très limités aux intrants, de faibles rendements et doivent au mieux utiliser les ressources naturelles pour produire leur nourriture selon des techniques traditionnelles.
Dans cet article, après avoir rappelé les principales contraintes de l’agriculture en zone tropicale, nous examinerons d’abord les potentialités offertes par les organismes des sols tropicaux pour assurer les fonctions écologiques dans les agrosystèmes, puis les différents leviers permettant de restaurer la biodiversité du sol et les fonctions écologiques qu’elle porte. Nous verrons que la biodiversité des sols, tout comme la biodiversité aérienne, peut être gérée pour améliorer la fourniture de services écosystémiques et la durabilité des agrosystèmes tropicaux.
Nota : un glossaire (*) est présenté en fin d'article.