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Lutte anti-drones : le laboratoire technologique des conflits modernes

Posté le 15 octobre 2025
par Nicolas LOUIS
dans Innovations sectorielles

Peu coûteux et faciles à produire, les drones sont devenus une menace stratégique majeure lors de conflits armés. Pour les contrer, les États investissent dans des technologies de pointe, parmi lesquelles les faisceaux laser, les ondes électromagnétiques, les brouilleurs, les systèmes automatisés ou encore la stratégie multicouche. Explication.

Longtemps considérés comme de simples outils d’observation, les drones se sont imposés comme de véritables armes depuis le début du conflit en Ukraine. Sur ce champ de bataille, les appareils civils détournés à des fins militaires côtoient des engins d’attaque sophistiqués capables de frapper des cibles précises à des milliers de kilomètres. Peu coûteux, faciles à déployer et difficiles à intercepter, ils bouleversent les stratégies traditionnelles et redéfinissent la notion même de supériorité aérienne. Cette évolution force les États à repenser leurs moyens de défense et conduit au développement d’un nouveau paysage technologique de la lutte anti-drones.

Symbole d’une guerre plus propre et silencieuse, la technologie à énergie dirigée concentre un faisceau laser capable de chauffer et de détruire la structure d’un drone en plein vol. En France, le démonstrateur HELMA-P, développé par l’entreprise Cilas pour le ministère des Armées, a prouvé qu’il pouvait neutraliser en quelques secondes des drones légers à plusieurs centaines de mètres, sans bruit ni explosion. Aux États-Unis, la marine teste le système HELIOS, monté sur un navire et conçu pour aveugler ou détruire des drones. Chaque tir ne coûte que l’énergie consommée, bien moins qu’un missile. Subsistent toutefois plusieurs défis dans son utilisation, tels que la puissance électrique nécessaire, les conditions météo ou encore la sécurité d’emploi, mais le laser s’impose déjà comme une révolution discrète de la défense aérienne.

Autre voie prometteuse : les armes à ondes radiofréquences ou RF-DEW (Radio Frequency Directed Energy Weapon). Contrairement aux lasers, elles ne visent pas la structure, mais l’électronique du drone. Une impulsion électromagnétique intense suffit à provoquer une panne immédiate des circuits, rendant l’appareil inopérant. Le Royaume-Uni expérimente son démonstrateur RapidDestroyer, capable de neutraliser plusieurs drones simultanément jusqu’à un kilomètre de distance. Chaque tir, dont le coût ne dépasse pas quelques centimes d’euros, agit sans explosion ni débris. Ces armes se révèlent redoutables contre les essaims de drones, mais leur mise en œuvre exige une puissance énergétique élevée et une réglementation adaptée pour éviter les interférences avec les communications civiles.

Un faisceau d’ondes ciblé pour neutraliser un drone

Plutôt que de détruire, certaines technologies préfèrent désorienter. Le brouillage perturbe les signaux radio ou GPS qui permettent au drone de communiquer avec son pilote ou de se repérer. Privé de ces liaisons, l’appareil se fige, atterrit ou s’écrase. En France, le système NEROD, développé par MC2 Technologies, un spin-off issu du laboratoire de recherche IEMN (Institut d’Électronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie), illustre cette approche en projetant un faisceau d’ondes ciblé. Celui-ci neutralise des drones sans explosion ni dommages collatéraux, un atout majeur en milieu urbain.

Avec la miniaturisation et la vitesse croissante des drones, les tourelles automatisées deviennent également des atouts essentiels. Guidées par l’intelligence artificielle, elles identifient la cible, évaluent son comportement et ouvrent le feu à l’aide de mitrailleuses téléopérées ou de canons automatiques, tandis que d’autres intègrent des armes non létales, comme les faisceaux de brouillage. Mais l’autonomie croissante de ces systèmes soulève des questions : comment garantir un tir sûr, éviter les erreurs d’identification et maintenir un contrôle humain ?

Pour répondre à la diversité des menaces, les armées développent des stratégies de défense multicouche, fondées sur la combinaison de plusieurs solutions techniques. L’objectif est de détecter, d’identifier et de neutraliser les drones à chaque étape de leur approche. Une première couche assure la détection, grâce à des radars, des capteurs optiques ou des radiofréquences. Vient ensuite l’analyse, souvent assistée par l’intelligence artificielle, qui distingue un drone d’un simple oiseau. Enfin, la neutralisation mobilise différentes technologies selon la nature et la distance de la menace. Ces solutions ne s’excluent pas, elles se renforcent. Ensemble, elles esquissent le futur d’une défense aérienne plus intelligente, plus réactive et plus sélective, adaptée à une menace devenue omniprésente.


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