Le 15 octobre dernier, en marge du sommet de l’OTAN à Bruxelles, les ministres français et allemand des Armées ont signé un accord stratégique lors d’une réunion des ministres de la Défense de l’Alliance. Cet accord acte la mise en œuvre du programme Odin’s Eye[1], en négociation depuis 2022, qui permettra la conception d’un système pouvant repérer les tirs de missiles balistiques et hypersoniques dès leur lancement.
Un système qui associera radars terrestres et satellites
Le dispositif de détection spatiale comprend une constellation de satellites capable d’observer en continu les zones à risque et d’identifier les signatures thermiques et balistiques au moment des tirs de missiles. L’identification se fait au moyen de capteurs infrarouges qui enregistrent la chaleur dégagée par les missiles à leur lancement.
Le système intégrera également des radars terrestres développés parallèlement. Une combinaison associant radars terrestres et satellites afin de rendre l’interception des missiles plus efficace.
Autonomie stratégique
Au-delà du volet technologique, le projet Odin’s Eye affiche une ambition stratégique et géopolitique. Cette coopération militaire souhaite réduire la dépendance européenne à l’égard des technologies américaines. Aujourd’hui, les Européens ont recours aux satellites américains du réseau SBIRS pour la détection spatiale. Derrière cette volonté politique, s’exprime donc la nécessité de structurer une filière européenne autonome pour la surveillance spatiale.
S’inscrivant dans cette même ambition, le ministre français des armées a annoncé, en juin dernier, une enveloppe de 2 millions d’euros pour relancer le développement du démonstrateur radar transhorizon « Nostradamus » conçu par l’ONERA[2].
Le moment crucial de la concrétisation
Cette mutualisation bénéficiera d’un soutien financier de la part de la Commission européenne. Le pilotage industriel du projet est assuré par la société spatiale allemande OHB, spécialisée dans les technologies orbitales et les systèmes de surveillance. Au sein du réseau d’entreprises européennes prenant part au projet, la France occupe une place importante grâce à la participation de ses groupes industriels parmi lesquels figurent Thales Alenia Space France, ArianeGroup, Thales LAS France, MBDA, Airbus Defence & Space ou encore Lynred.
Comment ce partenariat va-t-il se déployer concrètement ? Le partage industriel est, dans de nombreux cas, la pierre d’achoppement qui freine les programmes militaires communs. En outre, une défense commune est-elle envisageable en présence d’intérêts nationaux divergents ?
Sans une coordination efficace entre les différents acteurs, la coopération peut être source de tensions. Prenons le cas du programme franco-allemand SCAF, qui rencontre actuellement des difficultés suite à des désaccords entre les partenaires concernant le mode de pilotage. Le patron de Dassault, Éric Trappier, avait souligné, il y a plusieurs mois, la nécessité pour le projet d’être « piloté par un maître d’œuvre global ». Face au refus de ses partenaires, la France a affirmé, en septembre dernier, pouvoir bâtir seule ce programme ambitieux.
Cet épisode que traverse le projet SCAF permet de reconsidérer les avantages d’une coopération s’effectuant dans le cadre d’un pilotage monocéphale.
[1] MultinatiOnal Development INitiative for a Space-based missilE earlY-warning architecture
[2] Office national d’études et de recherches aérospatiales
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