Décryptage

Patrick Deixonne explique l’expédition 7e continent

Posté le 25 mars 2015
par Matthieu Combe
dans Environnement

L'expédition « 7e continent » existe depuis 3 ans. Après une expédition abandonnée prématurément en 2012, l'équipage s'est rendu dans le gyre du Pacifique Nord en 2013 et dans le gyre de l'Atlantique Nord en 2014. En 2015, l'expédition repartira sur ses pas de l'an dernier. Patrick Deixonne, chef de l'expédition nous en dit plus.

T.I. : Pouvez-vous nous présenter rapidement ce qu’est l’expédition 7e continent ?

Patrick Deixonne : Les expéditions 7e continent ont pour but de médiatiser la problématique de la pollution du plastique dans les océans. Pour cela, nous travaillons sur trois volets. Il y a le volet sensibilisation du grand public, la sensibilisation des scolaires et un volet scientifique. On essaie de toucher tout le monde, aussi bien la métropole que les DOM. À mes yeux, le volet pédagogique est tout aussi important que les aspects médiatiques et scientifiques. Nous sommes une association loi 1901 basée en Guyanne française. L’année dernière, nous avons été financés en grande partie par l’Agence de l’eau Seine-Normandie.

T.I. : Quels sont vos premiers constats suite à vos expéditions ?

P. Deixonne : Il était important de se rendre sur place pour vérifier que le plastique se regroupait bien dans les gyres. À chaque fois que l’on part, on se pose beaucoup de questions et on développe de plus en plus notre volet scientifique. Notre spécificité est d’essayer de répondre à des questions auxquelles personne n’a encore répondu. Pour cela, nos partenaires les plus importants sont le CNES et le CNRS, mais nos expéditions ont aussi permis de sensibiliser un peu le monde scientifique en France. De plus en plus de laboratoires demandent qu’on leur ramène des échantillons pour faire des tests.

Le dématage que l’on a subi l’an dernier nous a empêché de faire les tests que nous voulions sur la mesure de la micropollution par les satellites. Mais nous allons reprendre ce volet pour essayer de repérer les macro et microdéchets. Nous voulons aussi répondre à la question « où va le plastique après s’être morcelé ? ». Nous allons essayer de repérer les nanoparticules de plastique et les identifier.

Dans l’Atlantique Nord, on est tombé dans une zone où l’on ramassait les microparticules à la main. Il y en avait des millions autour du bateau. Lorsque l’on prenait une passeoire et que l’on faisait un petit coup dans l’eau à la main, on récupérait des microdéchets. Il faut donc que l’on y retourne, car on a été pris par le temps. Nous avons noté tous ces endroits pour y retourner et compléter l’information.

On étudie aussi les métaux lourds sur les plastiques et dans les poissons pour voir s’il y a un échange de pollution qui se fait. Je pense que ces résultats seront publiés l’année prochaine pour être complétés avec les travaux de la prochaine expédition.

T.I. : Une étude parue dans le journal PLOS ONE a estimé le plastique flottant dans l’océan mondial à 268 940 tonnes. Selon eux, les gyres sont plus des centres de transformation que d’accumulation, les quantités n’ayant pas évolué dans les gyres depuis plus de 20 ans. Cela est-il une bonne nouvelle?

P. Deixonne : Suite à l’étude parue dans PLOS ONE, nous nous demandons « où va le plastique ? », comme je vous le disais. Si le plastique n’est pas en augmentation, c’est qu’il part quelque part. Dans cette étude, les auteurs n’ont pas étudié les particules inférieures à 300 µm. De notre côté, nous pensons que le plastique se dégrade de plus en plus et se fragmente. Lorsque l’on travaille avec un filet Manta avec des pores de 300 µm, on ne récupère pas les plus petites particules. On met donc au point des filets Manta avec des pores de 20 µm pour voir si de plus petites particules flottantes existent.

T.I. : Pouvez-vous nous en dire plus sur la prochaine expédition?

P. Deixonne : La prochaine expédition aura lieu du 15 mai au 15 juin 2015. Nous repartirons dans le gyre de l’Atlantique Nord, à bord du Guyavoile, un maxi-catamaran. Comme nous sommes tombés sur des concentrations très importantes, au-delà de ce que l’on trouve dans les publications scientifiques, nous voulons vérifier cela. Nous pensons que les chiffres sont sous-estimés à certains endroits. Cela est compréhensif puisque la zone fait 2 à 3 fois la France. Lorsque l’on prélève des échantillons, la concentration mesurée est donc très aléatoire. Nous essaierons aussi de corréler les résultats avec la circulation océanique.

Nous resterons au moins 15 jours sur place, pour avoir le temps de faire les mesures. C’est tout ce que je peux vous dire pour le moment, pour être sûrs de nos résultats lorsque nous les annoncerons.

T.I. : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre volet pédagogique ?

P. Deixonne : Pour le volet pédagogique, on passe par des structures telles que le CNES ou l’Agence de l’eau Seine-Normandie pour toucher un maximum d’écoles. On organise des opérations sur le terrain pendant la mission. Cette expédition terrestre réunit les écoles pour faire des ramassages de déchets le long des rivières. Ensuite, les scolaires entrent en contact avec nous par Skype en plein milieu de l’océan pour faire le lien entre ce qu’on trouve dans les fleuves et ce que l’on retrouve dans le gyre.

Nous avons aussi développé un volet pédagogique sur notre site Internet. Il s’agit de fiches qui intègrent le programme scolaire des premières. Les professeurs peuvent l’intégrer très facilement dans le programme. Cette année, avant de partir en mission, on consacrera une semaine en se déplaçant sur l’Arc Antillais. On va faire la Martinique, la Dominique, la Guadeloupe et Saint-Martin. On s’arrêtera sur chaque île et on sensibilisera les jeunes à cette problématique. On va aussi faire déplacer une troupe de théâtre spécialisée dans le message environnemental et coupler ces actions à des actes de ramassage.

En savoir plus sur l’expédition 7e continent : http://septiemecontinent.com

Dans le cadre de l’expédition 2014, l’équipe a réalisé un documentaire de 52 minutes. Libre de droit, il est diffusé gratuitement sur Internet. Il revient sur la préparation de l’expédition et suit l’équipe dans leur route vers le gyre. Il présente la réalité du 7e continent : une soupe de microplastiques plus qu’un réel continent de macrodéchets ! 

Propos recueillis par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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