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Produire des bioplastiques à partir de résidus de maïs et de bactéries

Posté le 10 octobre 2023
par Nicolas LOUIS
dans Matériaux

Le laboratoire IPREM de l'Université de Pau mène un projet de recherche dont l'objectif est de produire des bioplastiques en circuits courts grâce à des ressources locales. Ils sont fabriqués à partir de résidus de cultures de maïs ainsi que de microorganismes prélevés dans les sédiments d'un port de la côte basque.

Les plastiques sont responsables d’importants dommages environnementaux, notamment dans les océans. De nombreux projets de recherche sont développés en ce moment pour trouver des alternatives durables et recyclables à ces produits. À l’université de Pau, le laboratoire IPREM1 mène un projet original dont l’objectif est de fabriquer des bioplastiques en circuits courts en valorisant des ressources locales. Débutée en 2020, l’idée principale est de les produire à partir de résidus de cultures de maïs, dont les surfaces sont très importantes dans le sud-ouest de la France. Puis d’utiliser des bactéries prélevées dans des sédiments marins pour fabriquer des biopolymères à partir de cette biomasse. Ce projet, baptisé BENEFICCE2, est financé dans le cadre d’un projet européen3.

« Des polymères en bioplastiques existaient quand j’ai commencé à m’intéresser à la problématique des plastiques, mais ils étaient trop chers à produire, explique Maria Lorena Falco, docteur en sciences exactes et spécialiste en biotechnologie et l’une des porteuses de ce projet. Pour parvenir à une solution qui soit acceptable financièrement, les circuits courts pouvaient être une bonne piste. Lors de mes études, j’ai travaillé sur la pyrolyse de la biomasse de riz qui devait conduire à trouver des alternatives aux combustibles fossiles, mais elle s’est finalement avérée trop visqueuse pour être utilisable. C’est en m’inspirant de ces travaux qu’est né le projet BENEFICCE. »

Les scientifiques sont allés prélever des microorganismes dans les sédiments du port d’Anglet, sur la côte basque, dans un environnement qui a la particularité d’être riche en hydrocarbures rejetés par les bateaux. Certains de ces microorganismes ont la capacité à produire des polymères ayant les mêmes propriétés que le polyéthylène et le polypropylène présents dans les plastiques, grâce à un procédé de fermentation des résidus de maïs. Ce processus nécessite également d’apport d’une bio-huile comme source de carbone, qui est produite grâce à un procédé de pyrolyse de cette biomasse, au cours d’une étape menée en parallèle. « Nous prélevons un groupe de microorganismes, ensuite nous isolons les bactéries qui produisent des polymères d’intérêt, plus précisément des polyhydroxyalcanoates (PHA), puis nous les cultivons dans les mêmes conditions en laboratoire, ajoute Maria Lorena Falco. Toute la difficulté réside dans le fait que nous travaillons avec des organismes vivants possédant une grande variété de comportements. »

À la recherche de nouveaux financements pour passer à l’étape pré-industrielle

L’étape suivante consiste à extraire les polymères à l’intérieur des bactéries. Pour cela, un solvant organique est pour le moment utilisé, mais les chercheurs envisagent plusieurs pistes dans le futur pour employer un solvant non-polluant. La phase suivante consiste à purifier les polymères extraits. « Nous sommes parvenus jusqu’à la purification du polymère qui ressemble à une poudre blanche, précise Maria Lorena Falco. Pour fabriquer un bioplastique, il est ensuite nécessaire d’ajouter des additifs chimiques et il est possible de les mélanger avec d’autres polymères biosourcés. Pour cela, nous travaillons en collaboration avec l’Université de Varsovie en Pologne, qui est experte dans ce domaine. »

À ce stade, toutes les hypothèses de ce travail de recherche ont été validées. Les scientifiques sont dans l’attente de nouveaux financements pour le poursuivre afin de passer à une phase pré-industrielle. À terme, leur objectif est de produire des bioplastiques destinés notamment à la fabrication d’emballages alimentaires, à des applications médicales ou à des produits pour l’agriculture. Développés dans le cadre du projet BENEFICCE, certains microorganismes prélevés dans les sédiments marins pourraient aussi produire des acides gras destinés à fabriquer du biodiesel ainsi que des éléments oléochimiques pour la cosmétique et la médecine. Ils pourraient aussi produire des enzymes servant à la dépolymérisation de la lignine et à mettre en œuvre des procédés de bioraffinerie.

1 Institut des Sciences Analytiques et de Physico-Chimie pour l’Environnement et les Matériaux

2 Le projet BENEFICCE signifie Biomass and bio-oil Fermentation using mIcrobial Communities to produce Chemicals and Enzymes

3 Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne et un co-financement de l’Istitut Carnot ISIFOR


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