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De nouvelles pistes pour réduire le colmatage en géothermie

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De nouvelles pistes pour réduire le colmatage en géothermie

Posté le par Nicolas LOUIS dans Énergie

Des travaux de recherche menés par l'IFPEN ont permis de mettre en lumière les mécanismes en jeu dans la problématique du colmatage en géothermie, et qui peut conduire, dans le pire des cas, à l'arrêt de l'exploitation d'un site. L'institut préconise à présent de mettre en place des moyens d’action au cas par cas pour y remédier, en fonction de la situation de chaque site.

La production d’énergie géothermique consiste à exploiter la chaleur présente dans le sous-sol de la terre. L’eau chaude est pompée dans les profondeurs, puis les calories sont extraites à l’aide d’un échangeur thermique pour alimenter notamment des installations de chauffage ou de la climatisation. Pour ne pas épuiser cette ressource naturelle, l’eau refroidie est ensuite réinjectée dans le puits. Or, sur certains sites comme ceux du bassin parisien, cette étape peut engendrer des problèmes de colmatage et une baisse progressive de la perméabilité du milieu souterrain liée à des dépôts de nano-particules. Ce problème date des années 1980 et pour y faire face, les industriels ont recours massivement à des filtres, mais cette technique n’est pas totalement efficace. Des travaux de recherche1 menés par IFPEN (IFP Energies nouvelles) ont permis de mettre en évidence les mécanismes en jeu dans ce colmatage et d’entrevoir des moyens d’action pour y remédier.

« Le problème survient en présence de roches silicoclastiques dont la structure est sableuse et granulaire, riches en particules d’argile, et qui se comportent un peu comme des éponges, explique Eric Kohler, ingénieur de recherche à l’IFPEN. Actuellement, avant de réinjecter l’eau, les industriels la filtrent dans le but de retenir les particules d’argile responsables du colmatage et pour préserver les installations où est extraite la chaleur de l’eau. Sur le plan industriel, les particules qui passent à travers les filtres sont très petites, car leur taille est inférieure à un micromètre. Sauf que nous avons découvert que même de toutes petites particules ne faisant que quelques dizaines de nanomètres peuvent s’agréger et former des agrégats dont la taille est plus importante que les pores de la roche. »

Alors qu’une eau très peu salée était jusqu’ici considérée comme peu propice au risque de colmatage, les scientifiques sont parvenus à démontrer que le peu de sels minéraux présents à l’intérieur peut être un facteur favorisant l’agglomération des particules. La vitesse d’écoulement du fluide est aussi l’un des paramètres à prendre en compte et les équipes de l’IFPEN ont observé qu’il est préférable de réinjecter l’eau immédiatement après l’avoir filtrée pour ne pas laisser le temps aux particules de s’agréger, car le phénomène en jeu est dynamique.

Des filtres doivent systématiquement être ajoutés après les échangeurs thermiques

Autre facteur à considérer : le diamètre du tuyau dans lequel passe le fluide, qui détermine les contraintes mécaniques auxquelles sont soumises l’eau et les particules. Ce diamètre agit sur l’effet de cisaillement et de turbulences à l’intérieur du tube et peut favoriser un rapprochement des particules entre elles, alors que naturellement, elles ont plutôt tendance à se repousser, car elles ont des propriétés en surface similaires. Cet effet de cisaillement est encore plus important au niveau de l’échangeur thermique, à l’intérieur duquel sont placés des turbulateurs, qui participent au rapprochement des particules.

Face au risque de colmatage, il existe depuis plusieurs années un guide de bonnes pratiques édité par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), mais qui recommande uniquement d’utiliser des filtres avant les échangeurs thermiques. « Suite à nos travaux, nous préconisons d’établir des stratégies de remédiation au cas par cas, en fonction de la nature du fluide, sa chimie, du type de particules en suspension, conseille Christine Souque, ingénieure de recherche et chef de projet à l’IFPEN. Nous travaillons déjà avec des groupes industriels, en partenariat avec la société d’ingénierie Geofluid et grâce aux financement de l’ADEME, afin de mettre en place des solutions d’adaptation avant forage. Dans tous les cas, nous recommandons de rajouter des filtres après les échangeurs thermiques. Certains pays comme les Pays-Bas le font déjà de manière empirique, sans réellement comprendre pourquoi, mais pas la France. Étant donné l’effet de cisaillement que nous avons mis en évidence, il est important d’en rajouter. »

Résoudre la problématique de colmatage en géothermie est un enjeu important, car actuellement les industriels s’interdisent d’exploiter de nombreuses ressources naturelles sous terre face à ce risque. Il faut savoir que lorsqu’un site rencontre cette problématique, il est très difficile de revenir au niveau de perméabilité initiale du milieu souterrain. Et dans le pire des cas, le colmatage peut conduire à l’arrêt de l’exploitation du site. En ce moment, il se rencontre principalement dans le bassin parisien, le premier producteur au monde de géothermie de chaleur. « Si l’on parvient à éliminer ce problème, cela va libérer un potentiel d’exploitation de cette ressource naturelle considérable, ajoute Christine Souque. D’autres pays européens comme les Pays-Bas et l’Allemagne, qui se sont lancés dans d’importantes campagnes de forage pour exploiter ce type de géothermie, pourraient aussi être confrontés à cette problématique à l’avenir. »

 


1 Ce travail de recherche est issu, entre autres, de deux thèses. La première : « Identification et compréhension des mécanismes de déstabilisation colloïdale dans les procédés géothermiques » thèse soutenue le 20-12-2022 à CY Cergy Paris Université par Ines Raies. La seconde : « Etude des mécanismes d’endommagement des formations lors de la réinjection des fluides géothermiques », thèse à soutenir le 23-11-2023 par Anne-Sophie Esneu.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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