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Repowering éolien : opération gagnante

Posté le 24 janvier 2023
par Stéphane SIGNORET
dans Énergie

Le démantèlement d’un vieux parc éolien pour installer de nouvelles machines plus performantes est encore une opération rare en France. Un repowering de ce genre a eu lieu à Rivesaltes et montre la pertinence de ce choix, tant du point de vue économique qu’environnemental.

Le débat est vif en France sur les énergies renouvelables. L’éolien cristallise à lui seul bien des tensions alors qu’il apporte une solution aisée à mettre en œuvre pour la transition énergétique, déployable à grande échelle et créatrice d’emplois. Un des enjeux soulevés dans ces débats est celui du démantèlement des parcs une fois leur activité terminée. Très peu de parcs sont concernés, mais les premiers cas se présentent, comme à Rivesaltes en Pyrénées-Orientales, où l’entreprise GEG ENeR vient de terminer le repowering d’un parc mis en service il y a plus de vingt ans.

Techniquement, la facilité d’installation d’un parc éolien lui ouvre en effet la possibilité d’être tout aussi facilement déconstruit. Depuis cinq ans, ce sont environ 1 000 à 1 800 MW d’éolien qui sont installés en France chaque année. Un rythme qui devrait doubler, voire quadrupler pour tenir les objectifs de la transition énergétique. Au fur et à mesure que ces parcs vieillissent, se pose donc la question de leur fin de vie. Réglementairement, la réponse est simple : la déconstruction est obligatoire et à la charge de l’exploitant du parc, afin de rendre le terrain en l’état initial avant d’être réutilisé. La législation prévoit même que la très grande majorité des matériaux issus de la déconstruction soit recyclée, selon un arrêté du 22 juin 2020. Financièrement, l’exploitant a l’obligation de constituer des garanties pour le démantèlement à hauteur de 50 000 euros par éolienne dès la mise en service des installations. Économiquement, le repowering, c’est-à-dire le remplacement des anciennes éoliennes par de nouvelles plus performantes, doit faire l’objet d’une étude de rentabilité, mais va s’avérer bien souvent l’option la plus intéressante.

Deux éoliennes en moins et 50 % de puissance en plus

Le parc éolien de Rivesaltes a choisi cette option. Exploité depuis 2003, il comptait huit éoliennes de la marque Nordex pour une puissance installée totale de 7,6 MW. De taille modeste (avec une hauteur maximum à 80-90 m), ces éoliennes à génératrice asynchrone commençaient à fatiguer, obligeant à des rythmes – et donc des coûts – de maintenance plus élevés, en particulier sur la partie mécanique. Des aérofreins en bout de pales étaient source de bruit. Autorisé en 1999 à une époque où les contraintes réglementaires étaient moins fortes, le parc gênait partiellement un radar de Météo-France. « Tous ces éléments nous on fait anticiper la fin de vie de ce parc éolien, quand bien même il aurait pu tourner encore plusieurs années. Cela nous a donné l’occasion de réaliser une déconstruction exemplaire, pour laquelle nous avons réalisé un bilan carbone », explique Antoine Charrier, responsable de projet de GEG ENeR.

Une fois le projet « notable, mais non substantiel » validé par l’Administration, il s’est déroulé en deux temps. Tout d’abord, la déconstruction proprement dite en 2021 : en six mois, la partie visible des éoliennes a été démontée, les câblages et transformateurs électriques enlevés, et l’intégralité des fondations (béton et acier) retirées du sous-sol. Le véritable enjeu a été de trouver des filières adaptées au recyclage ou à la réutilisation de toutes les matières et matériaux récupérés. Le béton a été concassé pour être réutilisé en fonds de chaussée. Les aciers sont allés vers les filières où ils sont refondus. Les composants mécaniques, électriques et électroniques de la nacelle ont rejoint le marché des pièces d’occasion. Quant aux pales, encore peu recyclables, elles vont être réutilisées, après découpage, en mobilier urbain, ce qui a d’ailleurs donné l’occasion de faire réfléchir des étudiants en architecture à ce sujet.

Ensuite, la construction du nouveau parc a commencé en 2022. En neuf mois, de nouvelles fondations ont été posées pour soutenir six éoliennes de marque Enercon, quatre d’une puissance unitaire de 2,35 MW et deux de 0,9 MW. Ainsi, avec deux éoliennes en moins, le parc compte désormais une puissance totale de 11,2 MW, soit presque +50 % par rapport à l’ancien. L’augmentation relative de la production du parc sera du même ordre puisqu’un productible annuel de plus de 24 GWh est attendu, contre 15 GWh auparavant. L’investissement total du projet est de 13 millions d’euros, à 96 % pour la construction des nouvelles éoliennes.

Indicateur carbone : moins de 10 g de CO2 par kWh

Avec ce nouveau parc dont la période de test s’achève ce mois de janvier 2023, GEG ENeR dispose d’un moyen de production fiable et mieux intégré. Pour les riverains, il fait en effet moins de bruit : il n’y a plus d’aérofreins sur les pales qui, au contraire, disposent de peignes acoustiques réduisant l’effet sonore ; et les génératrices synchrones à entraînement direct sont plus silencieuses. Les radars de Météo-France ne sont plus gênés et il y a peu d’enjeux de biodiversité sur ce site en zone périurbaine. L’analyse environnementale peut néanmoins aller plus loin, d’où l’intérêt du bilan carbone réalisé par GEG ENeR.

La totalité des émissions de gaz à effet de serre du projet, de la déconstruction de l’ancien à la fin de vie du nouveau, a été calculée. « Le bilan global, intégrant à la fois la production d’énergie éolienne du parc sur 20 ans, mais aussi l’empreinte évitée du fait des recyclages et l’empreinte carbone des démantèlements, de l’ancien parc et du nouveau lorsqu’il arrivera en fin de vie, de la construction et de l’exploitation, conduit à une économie de 12 300 tCO2eq sur la durée de vie » indique Antoine Charrier. Si on ne regarde que l’empreinte carbone liée aux démantèlements, à la construction et à l’exploitation, les émissions du projet s’élèvent à 9 400 tCO2eq. Le démantèlement de l’ancien parc compte pour 13 % de ces émissions, la fabrication des nouveaux éléments (éoliennes, transformateur, câbles) pour 61 %, le chantier de construction du nouveau parc pour 1 %, l’exploitation pendant 20 ans pour 6 % et la fin de vie du parc pour 19 %. Du point de vue des postes les plus émissifs, ce sont clairement les matériaux utilisés à la construction de l’éolienne (surtout l’acier, le fer et la fibre de verre) et la gestion des déchets qui pèsent le plus (voir graphe).

Rivesaltes Émissions GES. Source : GEG ENeR

« Lorsque nous reconstituons l’empreinte carbone de notre parc en prenant en compte l’ensemble des inducteurs y compris du démantèlement de l’ancien parc, nous arrivons à un indicateur carbone de 9,9 gCO2eq par kilowattheure », détaille Antoine Charrier. Un chiffre inférieur à la moyenne nationale actuellement considérée pour l’éolien (14 gCO2/kWh) selon la Base carbone de l’Ademe. Cette différence s’explique par le fait que les éoliennes de Rivesaltes sont plus performantes que le parc moyen considéré il y a quelques années par l’Ademe, et que des éléments déjà en place comme le raccordement au réseau électrique ne s’ajoutent pas au calcul. Ce repowering s’avère donc un projet gagnant sur de nombreux plans pour produire plus d’électricité propre avec moins d’impacts.


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