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La viande in vitro pourrait accentuer le réchauffement climatique

Posté le 8 mars 2019
par Matthieu Combe
dans Environnement

La culture de la viande in vitro serait-elle plus écologique que la viande conventionnelle ? Pas sûr ! Des chercheurs d'Oxford considèrent que les émissions de CO2 liées à la production de viande in vitro seraient à long terme plus néfastes que le méthane traditionnellement issu de la production de viande bovine.

Cultiver et commercialiser de la (fausse) viande in vitro sera bénéfique pour la planète et favorisera la lutte contre le réchauffement climatique. En substance, ce sont les promesses faites par différentes start-up dans le monde, qui cherchent à cultiver un faux steak de bœuf in vitro. En théorie, une telle avancée technologique pourrait contribuer à répondre à la demande toujours grandissante en viande dans le monde. Si tant est que la question du coût ne soit pas prise en compte. Autre bienfait annoncé de la viande in vitro : grâce à elle, les émissions de méthane seraient considérablement réduites.

Cependant, une équipe de chercheurs de la Martin School d’Oxford au Royaume-Uni n’envisage pas tout à fait la culture de viande in vitro avec autant d’optimisme. Dans une étude publiée dans la revue Frontiers in sustainable food system, la dimension écologique sur le long terme de ce substitut carné est débattue. En cause : l’empreinte carbone d’un tel procédé. Afin d’établir ces hypothèses, les chercheurs ont fait des projections à 1 000 ans, dans lesquelles sont comparées différents scenarii au sujet de l’élevage bovin traditionnel et de la culture de steak in vitro.

Des émissions de CO2 à la longue plus néfastes que le CH4

Pour créer de la viande en laboratoire, des cellules prélevées sur une vache (vivante) sont mises en culture dans une boîte de Petri. Après deux à trois semaines de culture, les cellules souches nourries avec du blé ou du maïs se transforment en un sosie miniature de steak. À l’heure actuelle, cette pièce de viande 2.0 reste trop chère pour être commercialisée. L’entreprise israélienne Aleph Farms indique par exemple que son prototype de steak vaudrait environ 50 dollars. Une somme qui reste encore trop élevée pour une consommation de masse.

Autre promesse des fabricants : la culture de viande en laboratoire permettrait de réduire drastiquement les émissions de gaz à effets de serre. Une question primordiale à l’heure où 15 % des émissions mondiales sont liées à la production de viande, qui dégage beaucoup de méthane. La culture en laboratoire, elle, implique surtout des émissions de dioxyde de carbone. Or, le CH4 a un pouvoir de réchauffement global 25 fois plus puissant que le CO2.

Mais c’est justement cet aspect qui dérange les scientifiques d’Oxford. Selon leurs recherches, le dioxyde de carbone, même s’il est émis en moindre quantité que le méthane, serait à long terme plus néfaste pour l’environnement. « Par tonne émise, le méthane a un impact beaucoup plus important sur le réchauffement climatique que le dioxyde de carbone », explique Raymond Pierrehumbert, professeur en physique à l’université d’Oxford. « Cependant, il ne reste dans l’atmosphère que pendant environ douze ans, lorsque le CO2 persiste et s’accumule pendant des millénaires » ajoute-il.

Le steak in vitro, un véritable défi énergétique

Dans ce contexte, il est clair que le défi du steak in vitro est indissociable du développement des énergies renouvelables. C’est ce qu’expliquait John Lynch, auteur principal de l’étude, à la BBC. « L’impact sur le climat de la production de viande dépendra du niveau de production d’énergie durable pouvant être atteint, ainsi que de l’efficacité des processus de culture futurs. Si la viande en laboratoire nécessite beaucoup trop d’énergie, elle pourrait devenir pire pour le climat que le sont les vaches », déclare-t-il.

Les deux chercheurs expliquent également qu’ils ne considèrent pas, en l’état actuel des projets, la viande cultivée comme meilleure que la viande traditionnelle. Tout dépendra du niveau d’énergie décarbonée qui sera utilisée pour la production de cette fausse viande de laboratoire. L’hypothèse de l’équipe d’Oxford n’est pas nouvelle. En 2015 déjà des chercheurs déclaraient dans la revue Environnement Science & Technology que « fabriquer de la viande in vitro demande plus d’énergie industrielle – souvent produite avec des combustibles fossiles – que le porc, la volaille, et peut-être même le bœuf ».


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