L’utilisation massive de bétons et d’acier fait que le secteur du bâtiment et de la construction est l’un des plus polluants en termes d’émissions de gaz à effet de serre. L’ADEME estime ainsi que ce secteur est responsable de 23 % des émissions nationales, soit 43,8 millions de tonnes équivalent CO2 (en 2021). Une empreinte carbone non négligeable, qui est principalement liée à la production des matériaux de construction comme le béton, le ciment et l’acier, très énergivores et reposant généralement sur l’utilisation d’énergies fossiles. Les process de fabrication sont également très gourmands en eau, notamment pour le béton. Décarboner le secteur du bâtiment et de la construction est donc l’un des points à considérer sérieusement si l’on souhaite atteindre la neutralité carbone, d’ici à 2050, comme le prévoient les Accords de Paris signés par la France.
Les nombreux avantages du bois
Si de nombreuses solutions sont envisagées, comme l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans les process de fabrication et la conception des bâtiments, la rénovation, le réemploi et le recyclage, les industriels cherchent désormais à intégrer dans leurs constructions une plus grande part de matériaux dits « bas carbone » et biosourcés, comme le bois, la paille ou le chanvre. Cet objectif d’une éco-conception, qui vise à intégrer des solutions plus écologiques tout au long du cycle de vie des bâtiments, se heurte cependant à certaines limitations, inhérentes à ces matériaux d’origine naturelle. Le bois par exemple, présente le désavantage d’être sensible au feu et de se dégrader très vite s’il n’est pas correctement entretenu et traité. Ses atouts sont pourtant nombreux : il s’agit d’un matériau biodégradable et renouvelable, dont l’utilisation permet de réduire la production de déchets et la consommation d’eau sur un chantier. Son assemblage est facile, il présente une grande longévité lorsqu’il est bien entretenu, et permet une excellente isolation thermique et hydrométrique (bien supérieure au béton). Des avantages que la société américaine InventWood[1] tente depuis plusieurs années de renforcer, pour faire du bois un matériau de construction encore plus intéressant.
Grâce à l’ingénierie moléculaire, InventWood a ainsi réussi à transformer le bois en un nouveau matériau présentant des caractéristiques qui pourraient impacter le secteur de la construction dans les prochaines années. C’est du moins leur objectif. Les ingénieurs de la société ont ainsi supprimé certains composants spécifiques de la structure cellulaire du bois et l’ont compressé sous des conditions bien précises. Cette approche a permis de produire un matériau biogénique composite conservant les avantages du bois naturel (isolation thermique, texture, facilité d’utilisation, esthétique naturelle) tout en améliorant d’autres aspects. Le « super bois » ainsi obtenu s’avère être résistant au feu, étanche à l’eau, imputrescible et résistant aux parasites, tout en présentant un rapport résistance/poids près de dix fois supérieur à celui de l’acier !
Du super bois produit par ingénierie moléculaire
À la base du super bois, il y a du bois ordinaire, composé de cellulose et de lignine. Le procédé d’ingénierie moléculaire inventé en 2018 par Liangbing Hu, chercheur à l’Université du Maryland, et dont InventWood est désormais propriétaire, repose sur le renforcement du réseau de cellulose via la suppression de la plus grande partie de la lignine et de l’hémicellulose en faisant bouillir le bois dans une solution de NaOH (hydroxyde de sodium ou soude caustique) et Na2SO3 (sulfite de sodium). Un traitement chimique similaire à la première étape de la création de la pulpe de bois pour la fabrication du papier. Le bois traité, composé quasi exclusivement de cellulose, est ensuite compressé, une action qui permet la formation de liaisons chimiques entre les atomes d’hydrogène des nanofibres de cellulose. Le matériau obtenu est ainsi quatre fois plus dense que le bois d’origine, mais présente une résistance qui s’avère être dix fois supérieure. Cette technique n’utilise ni colle ni polymères synthétiques, affirme Alex Lau, PDG d’InventWood.
La société prévoit de lancer ses tout premiers produits commerciaux cet été, en utilisant comme base des copeaux de bois de faible valeur pour fabriquer dans un premier temps des éléments de façade pour les immeubles commerciaux et résidentiels, qui nécessitent toutefois d’être stabilisés par une imprégnation aux polymères afin d’être utilisés en extérieurs. L’objectif de la société est cependant de produire des poutres structurelles de toutes dimensions ne nécessitant aucune finition. Mais la gamme d’utilisation de ce nouveau matériau pourrait être bien plus vaste et dépasser la sphère des chantiers de construction, en raison de son faible coût de production, de sa légèreté et de sa versatilité. Le super bois pourrait ainsi être utilisé dans la confection de certaines pièces automobiles ou dans l’aérospatial.
[1] InventWood
Dans l'actualité
- Béton de bois : Spurgin Leonhart inaugure une usine entièrement dédiée à ce matériau vertueux
- CCB Greentech : et le bois devient béton
- Les émissions mondiales de CO2 vont à nouveau augmenter en 2024
- Neutralité carbone en 2050 : une approche nécessairement transversale de la transition énergétique
- Les avantages et les limites du concept de la neutralité technologique
- Le bambou de construction, une filière en devenir
- Revue du Magazine d’Actualité du 19 au 25 juillet
- Préfabrication bois-béton : Timberium et la SATT Sayens plus unies que jamais
- Quand les algues redessinent les matériaux du bâtiment
Dans les ressources documentaires
- Constructions neuves et RT 2020
- Matériau bois - Structure et caractéristiques
- La construction industrialisée - L’avenir incontournable de la construction
- Développement de polyuréthanes sans isocyanates (NIPUs) biosourcés pour les adhésifs à bois
- Matériaux bio-sourcés pour le bâtiment et stockage temporaire de carbone