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Quand les algues redessinent les matériaux du bâtiment

Posté le 2 décembre 2025
par La rédaction
dans Matériaux

Les algues s’imposent progressivement comme une ressource inattendue pour repenser les matériaux du bâtiment. Longtemps considérées comme de simples déchets marins, elles révèlent aujourd’hui un potentiel structurel et isolant qui attire chercheurs, architectes et industriels. Des projets menés en France et à l’international explorent leur transformation en briques, isolants ou matériaux composites. Ces travaux ouvrent la voie à une nouvelle génération de matériaux biosourcés capables de répondre aux besoins d’un secteur en quête d’innovation.

Dans un contexte de recherche croissante sur les biomatériaux, les algues se profilent comme l’une des ressources les plus prometteuses. Un article publié le 25 novembre 2025 fournit des explications sur certaines espèces d’algues, traditionnellement rejetées comme des déchets et parfois même à l’origine de nuisances sur les côtes, possèdent des propriétés naturelles qui en font de sérieuses candidates pour l’architecture et la construction.

Les atouts des algues pour le bâtiment sont multiples. Elles offrent une isolation thermique et acoustique, elles sont ininflammables et leurs qualités antibactériennes contribuent à des environnements sains. Des maisons étaient d’ailleurs déjà construites au XIXᵉ siècle dans l’île de Læsø, au Danemark, dont les toitures traditionnelles reposaient sur des algues.

Depuis, plusieurs projets contemporains visent à remettre les algues au cœur du débat constructif. Au Mexique, Sargablock a permis de fabriquer des briques en mélangeant sargasses, argile, eau et paille. Ces briques ont servi à bâtir des logements, montrant que les algues peuvent servir de base à une construction économique et durable.

En France, le projet Terre d’algues, conduit par un cabinet d’architecture et plusieurs partenaires et avec le soutien de l’ADEME, explore la combinaison de sargasses et de terre crue pour produire des briques dont l’isolation serait deux fois supérieure à celle d’un isolant pétrochimique classique. Selon les porteurs du projet, mille tonnes d’algues suffiraient à produire près de dix millions de briques. Ces chiffres démontrent ainsi l’ampleur du gisement potentiel que représentent ces biomasses lorsqu’elles sont valorisées.

Plus largement, des recherches sont en cours pour exploiter d’autres algues (telles que les laminaires) en les combinant à des liants à base d’eau pour créer des blocs constitués à 98 % d’algues. Ces matériaux pourraient ainsi présenter une résistance supérieure à celle de poutres en bois dur et annoncés comme adaptés pour des structures porteuses.

En dehors du bâtiment, le potentiel des algues dépasse largement le cadre des isolants ou des briques. Des entreprises et des designers développent des « néo-matériaux » rigides ou souples, utilisables dans le mobilier, le design ou l’architecture intérieure. Dans d’autres secteurs, les algues servent à produire des pigments naturels, des emballages biodégradables ou des objets divers, ce qui témoigne de la polyvalence des biomatériaux algaux.

Cependant, le chemin vers un usage massif reste semé d’embûches. Plusieurs défis techniques doivent encore être surmontés, tels que le dessalage des algues, la standardisation des procédés de transformation, la garantie de la durabilité et des performances des matériaux, ainsi que la mise en place d’une chaîne logistique adaptée pour collecter, traiter et distribuer ces biomasses.

Malgré ces obstacles, l’enthousiasme est réel parmi les acteurs de l’innovation, de l’architecture et de l’environnement. À mesure que les contraintes techniques seront levées, les matériaux à base d’algues pourraient émerger comme des alternatives sérieuses aux matériaux traditionnels issus de la pétrochimie ou au bois, notamment dans des contextes où la durabilité, la circularité et la résorption des déchets côtiers sont prioritaires.

En redonnant une valeur aux algues rejetées sur les plages, ces projets participent aussi à une évolution culturelle et industrielle. Ils reflètent le désir de repenser nos modes de construction en tirant parti de ressources renouvelables, locales, et souvent sous-exploitées. Lorsque les technologies seront au point, l’échelle de production pourrait devenir compatible avec les besoins du secteur du bâtiment, tant pour le logement que pour les infrastructures.

L’exploitation des algues comme matériau de construction illustre dès lors une tendance croissante, celle d’une industrie cherchant à innover non seulement pour la performance ou l’efficacité, mais aussi pour la circularité et la durabilité. Si les obstacles techniques sont encore nombreux, les premiers retours d’expérimentation (briques, isolants, blocs porteurs) montrent qu’il s’agit d’un axe à suivre, susceptible de redéfinir le bâtiment de demain sous les traits d’un « bâtiment bleu » qui sera écologique, adapté aux contraintes environnementales et aux ressources marines.


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