La nouvelle mouture, déjà connue dans les grandes lignes, devrait être entérinée à la fin du mois de mars 2024 lors du Conseil national de l’hydrogène.
Cette révision de la stratégie doit permettre à l’hexagone d’affiner l’efficacité du déploiement d’une filière industrielle de l’hydrogène, dont l’avènement est un challenge au niveau national mais aussi européen.
Revenons à la révision de la stratégie nationale. En termes de chiffres, la France veut installer une production électrolytique d’hydrogène bas-carbone de 6,5 GW en 2030, puis 10 GW en 2035. Pour alimenter cette production tout en obtenant de l’hydrogène bas carbone, l’hexagone compte sur son parc nucléaire, qui devra fournir de grandes quantités d’électricité décarbonée pour produire l’hydrogène nécessaire via des électrolyseurs. Reste à savoir si cet hydrogène bas-carbone, produit à partir d’électricité nucléaire, sera labellisé par l’Europe au même niveau que l’hydrogène renouvelable, vert. Un enjeu de taille pour la France, qui risque de conditionner la capacité du pays à remplir ses objectifs en termes d’intégration d’énergies renouvelables dans son mix énergétique.
La révision de la stratégie nationale réaffirme la volonté de faire de l’hydrogène un vecteur énergétique important pour les transports et plus particulièrement la mobilité lourde. Mais aussi pour la décarbonation des activités industrielles fortement émettrices, comme les aciéries ou la sidérurgie, et plus généralement les sites qui concentrent les émissions de gaz à effet de serre, mis en avant à travers la décision de décarboner les 50 sites les plus émetteurs en France.
Un point très important de la révision de la stratégie française sur l’hydrogène concerne la possibilité d’importer de l’hydrogène. Cette ouverture permet à l’hexagone d’être en mesure de s’adapter, dans le futur, à ce que sera la réalité de la production – et de ses coûts – d’hydrogène vert, et de s’alimenter à bas prix. En Europe du Nord par exemple, l’électricité renouvelable pour faire fonctionner des électrolyseurs, est disponible et peu onéreuse. Pour résumer, la France ne met pas tous ses œufs dans le même panier et se donne une marge de manœuvre supplémentaire, tout en militant pour que l’hydrogène – bas carbone – produit via des électrolyseurs alimentés par électricité nucléaire soit bien pris en compte par l’Europe, à côté de l’hydrogène renouvelable.
En ce qui concerne la révision de la stratégie française, la volonté de pérenniser les projets déjà lancés et d’assurer leur industrialisation, ainsi que la garantie de la compétitivité de l’hydrogène décarboné[1] pour 10 ans par rapport à l’hydrogène fossile[2] va également dans le sens d’une pérennisation de la filière en déploiement.
Au niveau continental, les contextes géographiques[3] et politiques[4] influent sur les positionnements et les intérêts particuliers de chaque pays face au déploiement d’une filière industrielle européenne sur l’hydrogène.
Prenons l’exemple de l’Allemagne, qui met en œuvre depuis sa décision de sortir du nucléaire un plan ambitieux devant mener le pays à du 100% renouvelable en 2035. L’hydrogène est pour cela une pièce majeure, qui devrait alimenter des centrales à gaz, celles étant en activité aujourd’hui fonctionnant soit au gaz, soit au charbon. Ces centrales seront un outil de stabilisation du réseau électrique.
Pour les alimenter en hydrogène – renouvelable, bas-carbone ? – l’Allemagne, qui ne sera pas en mesure de produire sur son sol l’hydrogène nécessaire, va se tourner vers l’extérieur. Ainsi, des discussions font état de la volonté allemande de se pourvoir, pourquoi pas, en hydrogène bas-carbone français, produit par des électrolyseurs alimentés par de l’électricité nucléaire. Aussi, le gouvernement outre-Rhin a annoncé la construction de plus de 1800 kilomètres de conduites d’hydrogène, préparant une politique d’importation massive de la molécule.
On le voit, la révision de la stratégie française, entre adaptation et pérennisation, doit permettre à l’hexagone, mais aussi au continent européen, de poursuivre sa trajectoire vers une économie décarbonée, dans laquelle l’hydrogène a une place centrale.
[1] via des subventions
[2] qui rappelons-le constitue à l’heure actuelle de manière ultra majoritaire l’hydrogène utilisé par l’industrie
[3] L’Europe du Nord et son hydroélectricité
[4] L’Allemagne et sa volonté de sortir du nucléaire au profit d’autres énergies renouvelables sur un laps de temps très court
Cet article se trouve dans le dossier :
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