Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) touchent quelque 300 000 personnes en France, avec près de 8 000 nouveaux cas recensés chaque année. Les traitements actuels à base de corticoïdes ou d’immunosuppresseurs, visant principalement à soulager les symptômes (douleur et gêne), sont lourds et ont tendance à perdre de leur efficacité avec le temps. Pour les personnes atteintes de MICI, le dernier recours est une opération, lourde également. « On retire le tissu nécrosé du fait d’une trop longue inflammation. Si l’ablation a lieu au niveau de l’intestin grêle, la capacité d’absorption des nutriments peut être diminuée. Si l’ablation concerne plutôt la partie basse de l’intestin, des problèmes de transit peuvent apparaître et il peut être nécessaire d’installer une poche ventrale pour recueillir les selles », explicite Chloé Terciolo, chercheuse postdoctorale de l’Inserm au laboratoire INCIT (Immunologie et Nouveaux Concepts en Immunothérapie) à Nantes. Elle participe avec son équipe au projet européen MITI2 (mai 2023–avril 2027), dont un des objectifs est de reproduire les principaux composants de l’intestin (système immunitaire, épithélium, réseau neuronal). Le but final étant de parvenir à de nouvelles solutions thérapeutiques plus efficaces. Pour ce faire, Chloé Terciolo et ses collègues étudient de près les organoïdes d’intestin…
Une médication personnalisée pour lutter contre les inflammations de l’intestin ?
Un organoïde est une structure en trois dimensions mimant la morphologie et la fonction d’un organe. Il se forme à partir de cellules souches prélevées sur un patient. Ces cellules « immatures » se multiplient (pratiquement) à l’infini. Le premier organoïde au monde (déjà tiré d’un intestin) a été créé en 2009. L’intestin est un bon client, car il se régénère entièrement tous les 4 à 5 jours et possède de nombreuses cellules souches. Au sein du laboratoire INCIT, ces organoïdes atteignent environ 200 µm de diamètre, soit presque dix fois la taille d’une cellule ! « Dès la réception des cellules souches, nous les enrobons dans une matrice de gel riche en facteurs de croissance », commence Chloé Terciolo. « Placés dans des incubateurs à 37°C, soit la température interne du corps humain, les organoïdes grandissent et se développent dans les trois dimensions de l’espace ». Tous les 2 à 3 jours, leur milieu de culture est réenrichi en nutriments avec différents facteurs de croissance. Le but ? Provoquer la différenciation des cellules, et par la même leur activation. « On obtient ainsi des cellules entérocytaires (de l’épithélium), en gobelet (sécrétrices de mucus), entéro-endocrines (sécrétant les hormones de la satiété notamment), de Paneth (sécrétrices de peptides antimicrobiens), et bien sûr d’autres cellules souches », présente la chercheuse.
L’étape suivante consiste à caractériser ces différents types cellulaires et à les comparer avec ceux relevés sur les organoïdes de patients « contrôle » non malades (c’est-à-dire atteints d’une autre pathologie que celle étudiée lors de cette recherche). « Au-delà de l’expression des gènes et de la présence et de la localisation de protéines, nous analysons aussi la réponse des organoïdes malades à un type de lymphocytes T provenant du patient, étudiés au laboratoire depuis plusieurs années », indique Chloé Terciolo. En effet, cette sous-population est très réduite chez les personnes souffrant de MICI et est supposée jouer un rôle anti-inflammatoire prépondérant. « Nous tentons également de reproduire l’état inflammatoire des patients sur les organoïdes en les confrontant à des cytokines dites pro-inflammatoires. L’idée finale étant d’étudier les mécanismes de ces lymphocytes en condition inflammatoire pour peut-être un jour les utiliser comme immunothérapie en les réinjectant au patient dont elles sont issues », ajoute la chercheuse. Un premier pas vers l’utilisation d’un modèle plus physiologique et complexe que ceux actuels pour, in fine, une potentielle médication personnalisée que les modèles animaux ne permettent pas. Les travaux portant sur les organoïdes ayant en effet l’intérêt supplémentaire de réduire la nécessité de l’expérimentation animale.
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