La découverte des médicaments, d’abord empirique, a suivi l’évolution de la compréhension médicale des pathologies affectant l’homme. Ainsi, si certaines drogues aux vertus thérapeutiques indéniables comme l’opium nous sont connues depuis l’Antiquité, il faut bien reconnaître que nombre d’entre elles ont été utilisées sans preuve réelle d’efficacité. La médecine dite des signatures attribuait aux remèdes de couleur verte et de saveur acide un effet favorable pour le foie. Les vers luisants entraient dans la composition des collyres, les haricots guérissaient les reins et on utilisait le safran jaune contre l’ictère. La fin du XIXe siècle voit, d’une part l’isolement des premiers principes actifs d’origine végétale dont la morphine et, d’autre part la synthèse totale de molécules médicamenteuses simples comme l’aspirine. Fort de cet élan, la chimie du début et du milieu du XX e siècle a conduit à la découverte de grandes classes de médicaments qui ont bouleversé la vie des patients et sont toujours utilisés aujourd’hui : sulfamides, antidépresseurs, neuroleptiques…
Puis, l’évolution de nos connaissances au cours de la fin du siècle passé sur le rôle et la structure des protéines, ainsi que sur les phénomènes régissant les interactions drogue-récepteur, ont permis d’établir les bases essentielles à l’élaboration de nouveaux composés efficaces en thérapeutique. Si l’avènement de la biochimie tissulaire fut à l’origine dans les années 1950 de la mise au point des anti-inflammatoires non stéroïdiens, c’est la biochimie cellulaire qui, à la fin des années 1970, amena l’essor des thérapies anticancéreuses. Aujourd’hui, la priorité est donnée à la structure moléculaire, laquelle associée à la création de logiciels performants offre la possibilité de concevoir de nouvelles substances médicamenteuses grâce à l’outil informatique. La diversité des structures rencontrées dans le monde végétal et animal reste néanmoins des sources d’inspiration dans la conception de nouvelles drogues. La synthèse chimique et l’hémisynthèse demeurent des outils indispensables avec un effort de plus en plus net vers une chimie verte. Depuis quelques années, les biotechnologies permettent non seulement la production de médicaments, qui autrefois étaient extraits d’organes animaux (insuline d’origine porcine, par exemple), mais également la fabrication d’anticorps monoclonaux aux indications diverses (cancérologie, rhumatologie, immunologie, allergologie…). Quant aux thérapies ciblées, elles connaissent un développement considérable en vue d’effets indésirables moindres chez les patients avec des espoirs basés dans ce domaine, entre autres, sur la chimie supramoléculaire et les nanotechnologies. Enfin, le séquençage du génome humain laisse entrevoir des possibilités thérapeutiques dans le cadre de maladies héréditaires.
L’objectif de cet article est de montrer à partir d’exemples concrets relatifs aux principales classes de médicaments actuellement sur le marché, quelles sont les grandes voies de découverte de nouveaux principes actifs et les techniques utilisées. L’évolution des recherches dans ce domaine avec les perspectives futures d’innovations thérapeutiques est également présentée en relation avec le contexte économique mondial.