Interview

Stirweld : un procédé de soudage par friction malaxage à faible coût

Posté le 7 avril 2023
par Nicolas LOUIS
dans Entreprises et marchés

Fondée en 2017, la start-up Stirweld a développé un nouveau système de soudage par friction malaxage, qui a la particularité de s'installer directement sur un centre d'usinage. Son procédé permet de diviser par dix le coût pour accéder à cette technologie. Rencontre avec le CEO et le cofondateur de l'entreprise.

Inventé dans les années 1990, le soudage par friction malaxage, également appelé FSW pour Friction Stir Welding, est un procédé de soudage à l’état solide, sans ajout de métal d’apport. Depuis 2017, la start-up Stirweld a développé un système pour installer cette technologie directement sur un centre d’usinage. Son ambition est de démocratiser l’utilisation du FSW en divisant par dix son coût d’acquisition. Son système est issu de travaux de recherche appliquée au sein de l’Institut Maupertuis et de l’École normale supérieure de Rennes. Installée dans la périphérie de Rennes, l’entreprise commercialise son procédé de soudage FSW partout dans le monde. Entretien avec Laurent Dubourg, le CEO et cofondateur de Stirweld.

Techniques de l’Ingénieur : Comment fonctionne le soudage par FSW et quel est son intérêt ?

Laurent Dubourg, CEO et cofondateur de Stirweld. Crédit : Stirweld

Laurent Dubourg : Il s’agit d’une fraise qui tourne et que l’on plonge dans les pièces. Le frottement provoque de la chaleur et permet de mélanger et de malaxer les deux pièces à souder. Cette technologie fonctionne avec des matériaux ductiles tels que l’aluminium, le cuivre, le magnésium, l’étain et le plomb. Elle représente une révolution dans la soudure de l’aluminium, un matériau très compliqué à souder. Le soudage conventionnel, de type TIG (Tungsten Inert Gas), MIG (Metal inert gas) ou laser, provoque en effet plusieurs défauts avec des problèmes de porosité, de collage, de fissure, et une forte baisse des résistances mécaniques. Grâce au FSW, on parvient à annuler ces défauts, car le soudage est réalisé jusqu’à une température de 500 degrés, alors que le point de fusion de l’aluminium est à 600 degrés. Étant donné que l’on chauffe beaucoup moins, le matériau n’est presque pas dégradé.

Comment avez-vous réussi à adapter cette technologie sur un centre d’usinage ?

Nous ajoutons quatre fonctions sur les machines-outils. Tout d’abord, un contrôle d’effort, car le soudage par FSW nécessite d’appliquer une pression constante sur la pièce, alors qu’en usinage, la position reste constante. Pour solutionner ce problème, nous avons intégré un piston qui monte et qui descend et dont le rôle est d’assurer une pression constante et un plaquage de l’outil sur la pièce.

Une tête FSW fabriquée par l’entreprise Stirweld et installée sur une machine-outil à commande numérique. Crédit : Stirweld

Ensuite, un système de refroidissement de l’outil a été intégré pour éviter qu’il ne chauffe et que la température atteigne le point de fusion du matériau, alors que l’on soude toujours à l’état solide. Pour pallier cette difficulté, nous avons intégré un double refroidissement de la tête, avec de l’eau et de l’air, associés à des capteurs de température.

La troisième fonction a pour but de protéger le centre d’usinage contre les forces de soudage et les vibrations qui risqueraient de l’endommager. Concernant les forces, nous avons ajouté trois roulements dans la tête, dont le rôle est de supporter les efforts de soudage, puis de les transmettre directement dans la structure solide du centre d’usinage. Pour les vibrations, je préfère ne pas rendre publique notre solution technologique, pour des raisons de confidentialité.

Enfin, la dernière fonction concerne le contrôle de qualité. Notre tête est équipée de capteurs qui enregistrent la force et différentes températures pour nous permettre de réaliser un contrôle à 100 % de la qualité de la soudure en cours de soudage.

Quels sont les avantages de votre solution technologie ?

Notre procédé coûte 97 000 €, alors qu’il faut débourser près d’un million d’euros pour utiliser le FSW chez nos concurrents. En divisant par dix son coût d’acquisition, notre ambition est de démocratiser cette technologie, dont le prix était jusqu’ici le principal frein à son utilisation. Reste ensuite à la faire connaître et à former des personnes. Cette technologie est encore peu connue, car elle est nouvelle, mais je pense qu’il va se passer la même chose qu’avec l’impression 3D métallique, un domaine dans lequel j’ai fait ma thèse de doctorat. Il y a 10 ans, à part quelques experts, personne ne connaissait cette technologie, alors que maintenant, elle est présente dans tous les salons professionnels. Il y a malgré tout une différence entre ces deux technologies : les pièces fabriquées grâce à notre procédé de soudage par FSW coûtent moins cher que les autres solutions déjà existantes, ce qui n’est pas le cas de l’impression 3D métallique.

Ensuite, le soudage FSW va permettre de pallier en partie le manque de main-d’œuvre, en automatisant la soudure. Dans les 5 prochaines années, il va manquer environ 400 000 soudeurs en Europe et le même nombre en Amérique du Nord. C’est une catastrophe pour l’industrie. Grâce à notre technologie, le besoin en opérateur sera moins important, et en plus les compétences recherchées sont décalées, puisque l’on va davantage recruter des programmateurs de centres d’usinage.

Auprès de qui commercialisez-vous votre procédé ?

Il existe une grande variété d’industries susceptibles d’être concernées par le soudage FSW. Aujourd’hui, nous avons commercialisé 32 têtes FSW partout dans le monde, dont 7 en France. Nos trois premiers clients en France sont Ariane, Valeo et Airbus. Chez Valeo, notre procédé est utilisé pour souder des boîtiers électriques qui régulent les moteurs électriques de voitures. Notre procédé est aussi utilisé pour souder certains boîtiers de contrôle de voitures électriques du fabricant Tesla aux États-Unis. Pour Airbus, notre technologie va servir à souder les réservoirs dans lesquels sera stocké l’hydrogène liquide à température cryogénique de leur futur avion. Ces réservoirs sont en aluminium et la soudure FSW est la plus performante pour ce type de matériau.

Quelles sont les perspectives de votre entreprise ?

Nous sommes dans une phase de très forte croissance, puisque nous prévoyions de commercialiser 24 têtes FSW cette année. En ce moment, nous installons une tête en Corée du Sud, et une autre bientôt au Mexique. Nous livrons nos clients et les formons à l’utilisation de notre procédé. Pour l’instant, nous sommes la seule entreprise dans le monde à proposer l’utilisation du FSW sur un centre d’usinage, et nous avons protégé notre technologie par un brevet mondial. Mais nous savons que nous allons être copiés, et l’innovation est une course permanente, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. En 2017, nous avons lancé notre première tête FSW standard, et depuis nous avons développé trois nouvelles têtes, avec de nouvelles fonctionnalités d’usage pour nos clients. L’une d’elles est une tête rétractable, pour éviter qu’à la fin d’une soudure FSW, lorsque l’outil se retire de la pièce, il laisse un trou. Dans 95 % des applications, nous avons différentes solutions pour que ce défaut ne soit pas apparent. Par contre, sur les réservoirs à hydrogène, il peut entraîner une fuite. Nous avons donc développé une tête à pion rétractable qui permet de boucher le trou. Nous continuons notre travail de R&D afin de sortir de nouvelles versions de têtes FSW.


Crédit illustration de une : frimufilms


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