Envisagée sous l’angle des propriétés physiques, physico-chimiques ou chimiques communes à une partie de la molécule, à un atome ou à un groupe d’atomes, l’étude de la réactivité englobe l’ensemble des méthodes d’identification et de dosage des fonctions et, par leur intermédiaire, de la molécule elle-même. Mais la connaissance de la réactivité est aussi et surtout l’étude des propriétés des groupements fonctionnels, de l’influence des autres fonctions et de l’encombrement de la molécule.
Les renseignements fournis par cette étude se révèlent d’une importance capitale. Il est, en effet, évident qu’une fonction peu réactive au sein de la molécule sera moins sensible à l'environnement extérieur tel que l’air, l’humidité, les excipients ou les solvants. Inversement, la connaissance de la réactivité propre à chaque fonction ou imputable à ses interactions permet de connaître les points faibles de la molécule. Par exemple, le camphre est stable et l'on connaît la faible réactivité de sa fonction cétone pour obtenir une dinitrophénylhydrazone susceptible d’être à l’origine de son instabilité.
L’étude de la réactivité des molécules organiques est indispensable dans les domaines pharmaceutique, cosmétique ou agroalimentaire où l’on doit prévoir l’évolution de la qualité des produits sous l’influence de facteurs extérieurs susceptibles de les transformer tels que température, humidité, lumière, oxygène, pH, afin de définir les conditions de stockage et de transport, la date de péremption. De multiples réactions peuvent être mises en œuvre telles que racémisation, isomérisation, cyclisation, hydrolyse, oxydo-réduction, estérification, photolyse, réactions biochimiques ou enzymatiques .
On notera également que l’étude de la réactivité de la molécule permet parfois de prévoir le métabolisme d’un médicament : les dégradations successives qu’une molécule organique subit in vitro sous l’influence de réactifs variés ou dans des conditions voisines des conditions biologiques (pH, force ionique) autorisent une première hypothèse de travail pour la prévision de la dégradation du médicament dans l’organisme.
Il n’existe pas de protocole d’étude universel ; par conséquent, les études de réactivité doivent être adaptées aux objectifs. À titre d’exemple, les études de réactivité pour vérifier la stabilité de substances pharmaco-actives ou de médicaments en milieu climatique défavorable seront effectuées dans des conditions particulières de température et d’humidité . Cependant, trois facteurs ont tout de même une importance particulière ; il s’agit de la lumière, de la température et de l’air. La lumière apparaît comme un facteur primordial, l’élévation de température ne fait, quant à elle, qu’accélérer le phénomène déjà induit, l’air par la présence d’oxygène provoque des oxydations. L’étude de la réactivité comporte l’étude du mécanisme réactionnel mais l’on ne peut se contenter d’une simple mise en évidence de produits de dégradation ; ceux-ci doivent être isolés et identifiés, et leur toxicité étudiée.
Sur le plan de la technique analytique, il est nécessaire de s’entourer d’un faisceau de preuves choisies en fonction de la réaction à élucider et non en fonction de la performance des appareils. L’analyste doit ainsi être en mesure de choisir les moyens appropriés à l’étude de la réactivité des espèces organiques, les adapter au but poursuivi et les appliquer dans des domaines particuliers de l’activité chimique .
Après un bref rappel sur les cinétiques chimiques, nous envisagerons, au travers d’exemples, l’influence de chacun des principaux facteurs impliqués dans la dégradation des molécules organiques.