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Les performances observées sous canopée agrivoltaïque renforcent l’idée d’un modèle agricole plus résilient

Posté le 24 novembre 2025
par La rédaction
dans Innovations sectorielles

Depuis plusieurs années, TSE conduit un vaste programme d’expérimentation de canopées agrivoltaïques installées au-dessus de grandes cultures, en partenariat avec l’INRAE, les coopératives agricoles et les Chambres d’agriculture. Les résultats obtenus s’inscrivent cependant dans une dynamique plus large, différentes expérimentations menées ailleurs en Europe montrant des effets comparables sur le microclimat, les rendements et le bilan hydrique des cultures.

Les sites pilotes accueillant l’expérimentation TSE, situés notamment dans la Somme, la Haute-Saône, la Côte-d’Or et le Calvados, sont équipés d’installations de 2,4 à 2,9 MWc. La configuration dite « canopée » repose sur des panneaux positionnés à environ cinq mètres de hauteur, permettant le passage des engins agricoles et le maintien des pratiques culturales classiques.

Un microclimat nettement plus stable

Les données les plus récentes montrent que ces installations modifient sensiblement le microclimat des parcelles. Lors des journées les plus chaudes, la température sous canopée baisse en moyenne de 1,4 °C, avec des écarts beaucoup plus marqués lors des épisodes extrêmes : des pointes de –7 °C ont été enregistrées, notamment les 30 juin et 18 juillet 2025 à Amance et Brouchy. Cette réduction de surchauffe diurne s’accompagne d’un effet inverse la nuit, puisque la zone protégée reste environ 2 °C plus chaude. Sur l’année, l’amplitude thermique journalière sous canopée se trouve ainsi réduite d’environ 1 °C.

Ces variations, bien que modestes en apparence, ont des conséquences agronomiques fortes. À Souleuvre-en-Bocage, une exploitation a ainsi observé, lors des épisodes de chaleur intense, un quasi-doublement de la matière sèche récoltée sous ombrière par rapport à la zone témoin. Ces résultats confortent l’idée que la canopée agit comme un dispositif anti-stress thermique, capable d’amortir les pics de chaleur auxquels les cultures sont de plus en plus exposées. De fait, la stabilisation du microclimat est aujourd’hui l’un des bénéfices les plus robustes et systématiques des systèmes agrivoltaïques élevés.

Des rendements stabilisés, parfois améliorés

Les résultats agronomiques obtenus en grandes cultures apparaissent quant à eux globalement encourageants. À Verdonnet, les données de 2025 indiquent une progression d’environ 18 % du rendement dans la zone sous pilotage, comparée à une zone non couverte. La tendance la plus marquante est toutefois la résilience. D’une année sur l’autre, les rendements restent comparables entre zones témoins et zones protégées, mais la canopée tire son avantage dans les années chaudes et sèches. Sur plusieurs sites, les cultures abritées conservent un niveau de production supérieur ou plus stable, là où les cultures à découvert subissent davantage l’impact des stress hydriques et thermiques.

Les retours de terrain montrent ainsi que la canopée ne génère pas de perte structurelle de rendement sur les grandes cultures. En revanche, elle apporte un véritable différentiel de performance lorsque les conditions deviennent défavorables, ce qui renforce son positionnement comme outil d’adaptation plutôt que comme dispositif strictement productif.

Une forte amélioration du bilan hydrique

La question de l’eau constitue l’un des enjeux les plus documentés. Sur le site de Verdonnet, l’évapotranspiration a diminué en moyenne d’environ 35 % en 2025. À Amance, une culture de soja conduite en 2022 sous canopée a bénéficié d’une réduction spectaculaire du stress hydrique. Le nombre de jours affectés a en effet été réduit de 75 % par rapport à la parcelle témoin.

Ces résultats tiennent principalement à trois mécanismes cumulés : l’ombrage réduit l’intensité du rayonnement solaire, la baisse de la température du sol limite l’évaporation, et la réduction de la chaleur diurne diminue la demande en eau des plantes. Cette diminution de l’évapotranspiration est l’effet le plus constant observé dans les systèmes agrivoltaïques de grande hauteur.

Un effet positif sur le bien-être animal

Sur plusieurs sites associant élevage et cultures, un comportement très clair a par ailleurs été observé lors des canicules de 2025 : les animaux se sont systématiquement regroupés sous la canopée pendant les pics de chaleur, tandis que les troupeaux situés en zone non protégée se réfugiaient dans les bâtiments. La structure agrivoltaïque agit ainsi comme une zone d’ombre fonctionnelle, améliorant le confort thermique des animaux sans perturber l’organisation de la parcelle. Pour les exploitations mixtes, cet usage devient un atout supplémentaire, qui s’ajoute aux bénéfices agronomiques.

Des limites encore identifiées

Les résultats ne sont cependant pas uniformes pour toutes les cultures. Certaines espèces sensibles à l’ombre, comme la caméline, peuvent subir une baisse de rendement pouvant atteindre 30 % lorsque l’intensité lumineuse est trop réduite. Les Chambres d’agriculture rappellent d’ailleurs la nécessité de veiller à l’équilibre entre production agricole et production énergétique, l’objectif étant d’éviter tout ombrage excessif qui dégraderait les itinéraires techniques.

Si la France s’oriente aujourd’hui vers un agrivoltaïsme « 2.0 », plus encadré et plus technique, la généralisation du modèle nécessitera encore un élargissement des données disponibles. Les résultats varient selon les régions, les cultures, les sols et les modes de pilotage. Les scientifiques insistent donc sur l’importance de dispositifs multiparcelles et multirégions pour définir des recommandations vraiment généralisables.

En réunissant ces observations, les expérimentations menées par TSE montrent que la canopée agrivoltaïque peut stabiliser le microclimat des cultures, réduire de façon significative la demande en eau et préserver, voire renforcer, les rendements lors des années les plus difficiles. Ce modèle apparaît dès lors aujourd’hui comme l’un des outils d’adaptation les plus prometteurs pour les grandes cultures face à l’accélération du changement climatique.

Et en Europe ?

Dans toute l’Europe, l’agrivoltaïsme – et plus particulièrement les systèmes de grande hauteur permettant le passage des engins agricoles – gagne en maturité. Une étude publiée en 2025 montre que si seulement 1 % de la surface agricole utile de l’Union européenne était couverte par des systèmes agrivoltaïques, cela pourrait suffire à dépasser les objectifs photovoltaïques de l’UE pour 2030. Cette projection illustre l’ampleur du potentiel, tant d’un point de vue énergétique qu’agronomique.

Une revue souligne également que les systèmes agrivoltaïques peuvent combiner production électrique, production agricole et gestion de l’eau, tout en créant des microclimats plus favorables. Les auteurs insistent sur le fait que l’ombrage modéré et contrôlé est un facteur clé de réussite. Il réduit en effet les excès thermiques et l’évapotranspiration, tout en maintenant la lumière utile pour les plantes.

Sur le plan de la diffusion commerciale, un rapport indique que la taille du marché de l’agrivoltaïsme en Europe a été estimée à 278 millions de dollars en 2024, mais pourrait atteindre 2 493 millions de dollars d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel de l’ordre de 45 %. Autrement dit, l’agrivoltaïsme dépasse désormais le stade de simple pilote et commence une phase de montée en puissance.

Dans une synthèse parue en septembre 2025, il est également mentionné que le déploiement global d’agrivoltaïsme est passé de 14 GW en 2024 à environ 18,4 GW à mi-2025. Ce chiffre regroupe différents types de systèmes (ombres légères, ombrières élevées, systèmes de culture mixte), mais il montre que l’intégration agricole du photovoltaïque se confirme.

Plus précisément, dans l’étude de revue (Pekk et al., 2025) publiée dans Cleaner Engineering and Technology (ResearchGate), les auteurs analysent de nombreux projets et notent que, pour que l’agrivoltaïsme devienne pleinement opérationnel, il faut dépasser les expérimentations locales et accumuler des jeux de données multi-cultures, multi-sols, multi-climats. Ils soulignent aussi que la conception technique (hauteur des panneaux, densité d’ombre, orientation) joue un rôle déterminant dans la performance agronomique.

Ces éléments récents permettent de replacer les résultats obtenus par TSE dans un cadre plus large : ils ne sont pas isolés mais s’inscrivent dans un mouvement européen où l’ombre partielle et le fonctionnement dual (culture + énergie) commencent à être davantage quantifiés. Ils renforcent la conclusion selon laquelle, dans les années à venir, l’agrivoltaïsme de type canopée pourrait devenir un levier réaliste d’adaptation agricole face au changement climatique, à condition que les dispositifs soient finement dimensionnés et que l’on dispose des données adaptées.


Pour aller plus loin