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L’UE à l’heure de l’IA industrielle ?

Posté le 19 mai 2025
par Pierre Thouverez
dans Informatique et Numérique

L’initiative AI Factory, lancée en septembre 2024, doit permettre à l’Union Européenne de développer des usines d’IA dans différents pays européens, pour que le vieux continent puisse être compétitif sur l'intelligence artificielle et dans les applications que les modèles d’IA permettent de développer pour l’industrie, notamment.

L’initiative AI Factory a d’ores-et-déjà, fin 2024, annoncé la création de sept usines d’IA, via une entité juridique et de financement spécialement mise en place pour chapeauter les investissements consacrés au développement de l’IA au niveau européen. Cette entité, EC EURO HPC (Entreprise Commune pour le Calcul à Haute Performance Européen), doit faire le pont entre les différentes usines d’IA déjà mises en oeuvre – elles sont au nombre de 7 – et à venir – 6 nouveaux projets d’usines d’IA ont été sélectionnés en février 2025 -, pour un engagement financier à hauteur de 10 milliards d’euros.

L’idée est d’ouvrir autour de supercalculateurs existants, des écosystèmes visant à favoriser le développement de modèles et d’applications d’IA générative, principalement à destination de la recherche et de l’industrie.

Parmi les projets déjà sélectionnés fin 2024, le projet finlandais, qui accueille à Kajaani l’usine d’IA la plus avancée en matière d’infrastructures, fondée sur le supercalculateur LUMI, est le plus abouti. Ce site joue déjà un rôle central dans le maillage européen, en offrant une capacité de calcul massive, déjà opérationnelle. 

En Allemagne, l’infrastructure installée à Stuttgart, autour du supercalculateur HammerHAI, se positionne comme moteur de l’ingénierie numérique, orienté en particulier vers le développement de l’industrie manufacturière. 

L’Italie, de son côté, a installé son usine d’IA à Bologne sur la base du supercalculateur IT4LIA. Ce site se distingue par une spécialisation autour de l’univers des sciences de la vie et des simulations complexes. 

Au Luxembourg, l’usine de Bissen, baptisée L-AI Factory, se veut un démonstrateur européen d’IA responsable et durable, avec un objectif fort de mutualisation au service des PME. 

En Suède, le projet Mimer entend soutenir la recherche dans des domaines comme la climatologie, en mettant l’IA au service des simulations environnementales. 

Plus au Sud, l’Espagne a de son côté choisi de renforcer sa capacité existante en adossant son usine d’IA à l’infrastructure MareNostrum 5 à Barcelone, avec une spécialisation dans les jumeaux numériques et la médecine personnalisée.

Le septième et dernier projet validé en 2024 concerne la Grèce, qui développe à Athènes une usine d’IA autour du supercalculateur Daedalus, focalisée sur les modèles de langage et l’optimisation des systèmes publics.

6 nouvelles AI Factory (usines d’IA) d’ores et déjà sélectionnées

La seconde vague d’usines d’IA, annoncée en mars 2025, vient compléter cette architecture avec des orientations spécifiques et complémentaires. En France, le projet AI2F s’appuie sur le supercalculateur Jean-Zay de Paris-Saclay et met l’accent sur la formation, l’open science et l’accès facilité aux chercheurs et start-up. Il se distingue par sa volonté de promouvoir une IA éthique et frugale. 

En Allemagne, un second site, lié cette fois au supercalculateur exascale Jupiter, vise à pousser les frontières du calcul à très grande échelle, avec des projets sur l’IA générative et les grands modèles de fondation. 

L’Autriche, avec son projet AI:AT, s’oriente vers l’intégration de l’IA dans les chaînes industrielles traditionnelles, avec une approche centrée sur les besoins des entreprises manufacturières. 

En Bulgarie, l’AI Factory BRAIN++ implantée à Sofia ambitionne de développer des outils linguistiques et robotiques adaptés aux langues et contextes d’Europe de l’Est, avec un fort ancrage dans l’innovation locale. 

En Pologne, le projet PIAST se concentre sur l’IA appliquée à des secteurs stratégiques tels que l’espace, l’énergie et la robotique, tout en encourageant la transition numérique des PME. 

Enfin, la Slovénie a lancé le projet SLAIF, qui a pour objectif de proposer des solutions d’IA pour améliorer les services publics, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’administration. L’intégration dans les projets sélectionnés de pays comme la Bulgarie, la Slovénie, ou encore la Pologne est un signal fort, l’UE ayant fait le choix de sortir des pôles traditionnels d’innovations pour créer un écosystème le plus large possible autour des usages de l’IA.

Ce réseau européen d’usines d’IA, bien que fragmenté, doit permettre, avec une gouvernance et une coordination adaptées, d’irriguer les filières industrielles pour implémenter concrètement dans les chaînes de valeurs les gains de compétitivité permis par l’usage de l’IA. C’est à cette seule condition que les 13 usines d’IA ne seront pas que des vitrines du savoir-faire européen.


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