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Machines modulaires et captage du carbone : comment ça marche concrètement ?

Posté le 30 octobre 2025
par La rédaction
dans Environnement

La capture du CO₂ industriel apparaît aujourd’hui comme un levier essentiel de la décarbonation, mais comment fonctionne-t-elle réellement, depuis la chaudière jusqu’au stockage ou à l’utilisation du gaz capté? Voici un panorama technique pour éclairer le dispositif.

Dans une installation industrielle émettrice de dioxyde de carbone, le premier maillon de la chaîne est le captage : il s’agit de prélever le CO₂ directement à la source, par exemple les fumées d’une cimenterie, d’une aciérie ou d’une usine chimique, avant qu’il ne soit rejeté dans l’atmosphère. L’IFP Énergies Nouvelles décrit cette étape comme la première phase du CCUS (capture, stockage et valorisation du carbone), consistant à « extraire du CO₂ issu de processus industriels et à le concentrer ».

Trois techniques principales de captage sont mises en œuvre : la post-combustion (la plus répandue), la pré-combustion et l’oxy-combustion. La post-combustion consiste à traiter les gaz de combustion pour en extraire le CO₂, typiquement à l’aide de solvants ou de matériaux adsorbants.

Le procédé typique débute par l’absorption du CO₂ sur un solvant (amine, liquide ionique) ou sur un adsorbant solide. Ensuite, par chauffage ou variation de pression, on « désorbe » le gaz purifié. Par exemple, l’IFPEN décrit son procédé « DMX™ », destiné aux installations industrielles (ciment, sidérurgie, charbon), qui améliore l’efficacité des solvants classiques avec une consommation d’énergie réduite de 30 à 40 %.

Les machines modulaires : vers une capture plus flexible et rapide

Dans le cas des « machines modulaires », conçues pour être installées de manière relativement standardisée et rapide, le concept repose sur une architecture préfabriquée et modulaire. Par exemple, la société Carbon Clean présente un système « CycloneCC™ » combinant des RPB (rotating packed beds – réacteurs centrifuges) et un solvant tampon afin de réduire l’empreinte unitaire d’environ 50 % par rapport à un système classique. Ces unités peuvent être livrées « clé en main » et transformées en « Legos » de la capture carbone, permettant un déploiement progressif pour des sites de tailles variées. Les modules comprennent généralement un absorbeur, un désorbeur, une unité de compression, parfois une liquéfaction, et sont souvent livrés par modules montés sur châssis assemblés en usine puis installés sur site.

Transport, stockage et valorisation : le cycle complet du carbone capté

Après le captage vient le transport du CO₂ purifié. En France, selon le ministère chargé de la transition écologique, le gaz peut être acheminé vers un lieu de stockage ou de valorisation via canalisations, barges, camions ou trains selon les volumes et la configuration. Le CO₂ est généralement comprimé, refroidi, éventuellement liquéfié, afin d’en réduire le volume et de garantir une pureté adaptée aux exigences de stockage ou d’utilisation. Le rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) précise que le fluide transporté doit être essentiellement du dioxyde de carbone, sans déchet ou autre matière ajoutée afin d’éviter tout risque de perturbation dans la chaîne de valeur.

Le lieu final du CO₂ capté dépend de la filière retenue. La voie dite du stockage (CCS) consiste à injecter le gaz dans des formations géologiques profondes telles que des réservoirs salins, d’anciennes cavités pétrolières ou gazières. En France, le stockage souterrain est un des axes clés de la stratégie nationale. Dans d’autres cas, le CO₂ peut être valorisé (CCU), c’est-à-dire utilisé dans des procédés industriels, comme la production d’e-carburants, de méthane synthétique ou dans la chimie de base. C’est notamment ce qu’évoque le projet de transport-multi-énergie de la société Teréga qui étudie la captation pour valorisation sous forme de méthanation.

En pratique, sur un site industriel, le circuit est donc le suivant : les gaz de combustion ou de procédé sont collectés, refroidis, filtrés puis envoyés à l’unité de capture modulaire. Le CO₂ y est séparé et extrait, puis comprimé et conditionné pour le transport. Il est acheminé jusqu’à un lieu de stockage ou d’utilisation, injecté ou valorisé. Les rejets éventuels (azote, poussières, composants secondaires) sont traités ou rejetés dans l’atmosphère ou dans l’installation de traitement des fumées.

La modularité des systèmes permet d’accélérer le déploiement, de réduire les coûts d’investissement et d’intégration, ainsi que d’offrir une échelle adéquate aux moyennes installations industrielles, là où les grandes unités restent coûteuses et lourdes à implanter. Ils représentent donc un maillon important pour l’industrialisation rapide du captage du CO₂.

Une vision à long terme

Le déploiement reste toutefois encore limité, très coûteux et demande une vision à long terme. D’après la CRE, le stockage additionnel maximal en France sur certains gisements est estimé à quelques millions de tonnes par an, ce qui reste modeste par rapport aux besoins. En outre, comme le souligne l’IFPEN, l’autre défi majeur demeure l’intégration énergétique des procédés de capture, notamment la réduction des consommations d’énergie et l’optimisation des flux associés.

La capture modulable du CO₂ offre donc une voie concrète pour réduire les émissions des industries à forte intensité carbone. Elle s’inscrit dans un circuit clair, prévoyant captage à la source, extraction et conditionnement, transport et stockage ou valorisation. Toutefois, la réussite de cette filière dépendra non seulement de la technologie, mais aussi de la structuration des chaînes de transport et de stockage, de la compétitivité économique et de l’acceptabilité industrielle sur le long terme.


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