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Éolien offshore : une étude alerte sur les émissions chimiques des parcs en mer

Posté le 10 septembre 2025
par Nicolas LOUIS
dans Environnement

Alors que l'éolien offshore est l'un des symboles de la transition écologique, une publication scientifique révèle que ces infrastructures rejettent des centaines de composés chimiques dans le milieu marin. Cette pollution invisible soulève des doutes sur la durabilité de cette énergie présentée comme propre.

La filière éolienne offshore connaît une expansion sans précédent, avec 80,9 GW (gigawatts) installés dans le monde à la fin de l’année dernière et des objectifs européens dépassant les 150 GW d’ici 2030. Si cette dynamique illustre la montée en puissance des énergies renouvelables, elle s’accompagne d’interrogations croissantes sur ses impacts environnementaux. Une étude parue dans Marine Pollution Bulletin fournit la première synthèse exhaustive sur les émissions chimiques associées aux parcs éoliens en mer.

Au total, 228 composés susceptibles d’être relâchés par les infrastructures offshore ont été identifiés par une équipe internationale de chercheurs. Ces substances, dont 62 figurent déjà sur des listes de produits chimiques prioritaires au niveau international, couvrent un spectre large allant des composés organiques liés aux revêtements de protection jusqu’aux métaux issus des anodes sacrificielles, en passant par des huiles, des solvants et des additifs divers.

L’étude montre que les revêtements servant à protéger les différents matériaux qui constituent les éoliennes -notamment contre la corrosion- concentrent 58 % des substances identifiées. Ces couches à base de polyuréthane ou de résines époxy, appliquées sur les structures en acier, subissent une dégradation progressive due entre autres à l’action mécanique des vagues et au sel, libérant des particules et des produits de décomposition.

Les anodes sacrificielles constituent la deuxième source d’émissions avec 12 % des composés recensés. Conçues pour se dissoudre et protéger l’acier des turbines, elles diffusent entre autres de l’aluminium, du zinc et de l’indium, et parfois des impuretés toxiques telles que le nickel et le mercure. Les chercheurs distinguent par ailleurs les émissions continues, directement liées au fonctionnement normal des structures, des rejets intermittents observés lors des opérations de maintenance et des émissions accidentelles, qui provoquent des fuites et des déversements. Les mousses anti-incendie, les huiles et les lubrifiants figurent parmi les vecteurs identifiés.

Des mesures alternatives sont identifiées pour limiter les risques

Si certains effets écotoxicologiques commencent à être décrits, comme l’accumulation de métaux dans les tissus de mollusques ou l’altération de fonctions physiologiques chez différentes espèces marines, la connaissance globale reste lacunaire. Les tests de toxicité portent encore majoritairement sur des espèces d’eau douce et ne tiennent pas toujours compte des paramètres propres au milieu marin. De plus, l’évaluation des risques liés à des mélanges complexes de substances, tels qu’ils sont présents dans l’environnement, reste embryonnaire alors que des effets synergiques ou antagonistes sont probables.

Plusieurs mesures alternatives sont identifiées pour limiter ces émissions de produits chimiques. Parmi elles figurent de nouveaux revêtements biosourcés pour lutter contre la corrosion ou encore le recours à des huiles lubrifiantes biodégradables. Des mesures structurelles peuvent aussi être mises en place, comme l’installation de systèmes à double paroi pour limiter les risques de fuites accidentelles.

À noter que les systèmes de protection cathodique à courant imposé, qui sont présentés comme une solution pour éviter les relargages de substances métalliques des anodes sacrificielles, peuvent néanmoins produire des sous-produits halogénés, notamment des composés chimiques contenant du chlore, dont l’impact reste à ce jour mal documenté.

Sur le plan réglementaire, les auteurs mettent en évidence l’absence de cadre harmonisé à l’échelle internationale. Face à la montée en puissance de l’éolien offshore, ils préconisent de considérer la question des émissions chimiques comme un enjeu central de la durabilité. Ils appellent à la mise en œuvre de protocoles de suivi systématiques, à l’intégration des risques chimiques dans les études d’impact et à une hiérarchisation des substances les plus préoccupantes pour orienter les efforts de recherche et de régulation. À défaut, l’essor d’une énergie présentée comme propre pourrait générer une pollution diffuse et durable des écosystèmes marins, compromettant une partie des bénéfices environnementaux attendus de la transition énergétique.


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